Dakar-Echo

Le syndrome Iba Der Thiam guette Macky Sall

Le syndrome Iba Der Thiam guette Macky Sall

Le 2 avril 2009, la conférence des leaders de la Cap 21, sous la présidence du professeur Iba Der Thiam, s’est réunie pour tirer les enseignements des élections locales du 22 mars 2009 où la Coalition Sopi (CS) au pouvoir et ses challengers Bennoo Siggil Senegaal (BSS), la Coalition And Liggey Sénégal (CALS) et Dekal Ngor (DN), le Parti de la Réforme (PR) et And-Jëf (AJ-Pads) s’affrontaient pour conquérir les 543 collectivités locales réparties en 14 Régions, 113 communes, 46 communes d’arrondissement et 370 communautés rurales.

La particularité de ces élections était que l’opposition conduite par BSS qui regroupait le Ps, l’Afp, le Pit, la Ld avait remporté les grandes villes auparavant toujours gagnées par le parti au pouvoir. En sus, il y avait aussi la coalition Dekal Ngor (DN), conduite par un certain Macky Sall dont le parti l’Apr n’avait pas encore une reconnaissance officielle.

Lorsque les résultats tombent le soir du 22 mars 2009, un séisme secoue la terre politique sénégalaise. Dakar et la quasi-totalité de ses 19 communes basculent du côté de l’opposition. Saint-Louis, Louga, Kaolack, Diourbel, Ziguinchor, Tambacounda, Mbour, Guédiawaye, Pikine, Bargny, tombent dans l’escarcelle de BSS. Thiès reste entre les mains de Idrissa Seck.

Fatick est conquis par Macky Sall. Par conséquent, les capitales régionales où se concentre l’essentiel de l’électorat sénégalais avaient basculé dans le camp de l’opposition. Ce qui, politiquement, devenait un danger pour la coalition au pouvoir.

Pourtant, un tel séisme n’a pas écarquillé les yeux du président Wade et surtout de son thuriféraire en chef de l’époque, feu Iba Der Thiam. Plutôt que de s’inquiéter de ces résultats, mauvais pour son camp, l’éminent historien célébrait au contraire une victoire de la coalition Sopi. Une victoire qui, du point de vue arithmétique, plaçait effectivement la coalition présidentielle de la Cap 21 devant BSS, DN et de Rewmi. Mais politiquement, c’était un désastre qui ouvrait le boulevard de l’alternance en 2012.

Dans un communiqué en date du 2 avril 2009, Iba Der Thiam, leader de la Cap 21, considère « que le scrutin est une preuve de maturité politique, de culture démocratique, louée par tous les observateurs indépendants ». Mieux, ajoutait-il, « le fichier électoral est bien fiable et a permis l’expression authentique du suffrage universel (…) Nulle part, il n’a été noté la moindre falsification des résultats ».

Répondant aux opposants de l’époque qui considéraient que ces locales de 2009 étaient une grande victoire pour eux, le coordonnateur de la Cap 21 soutenait que « la CS est sortie gagnante de ces élections avec 311 collectivités locales se décomposant ainsi : 11 régions (sur 14), 62 communes (sur 113), 12 communes d’arrondissement (sur 46), 226 communautés rurales (sur 370). Ce qui correspond à 970.220 voix.

S’y ajoute le score engrangé par le Pds qui est allé seul sans ses alliées dans 14 collectivités locales réparties en 3 communes, 11 communautés rurales faisant 30.353 voix ». Quant à BSS pour Der, « elle remporte 151 collectivités locales se décomposant en 3 régions sur 14, 30 communes sur 113, 27 communes d’arrondissement sur 46, 91 communautés rurales sur 370. Ce qui correspond à 769.613 voix.

La CALS conquiert 12 collectivités locales se décomposant en 3 communes d’arrondissement 5 communautés rurales. Ce qui fait un total de voix de 203.538 voix. DN obtient 2 communes et 11 communautés rurales faisant 121.477 voix. Le PR 4 communautés rurales faisant 14.227 voix et AJ-Pads gagne 2 communes comptant 9.478 voix ».

Sur les 543 collectivités locales, Der précise que « la mouvance présidentielle obtient 333. Ce qui fait, en valeur relative, un score de 61, 32 %, correspondant en voix à 970.220 + 30.353 + 14.227 + 9.478 = 1.024.278, sur un nombre de voix exprimées de 2.109.498, soit 48,55 % de suffrages exprimés.

Les 151 collectivités locales de BSS correspondent, en valeur relative, à un score de 27,81 % ; les 13 collectivités locales de DN à 2,39 %, les 12 collectivités locales de la CALS à 2,21 % ». Et le chef de la Cap 21 de conclure que, en terme de voix, « BSS obtient 769.613, soit 36,48 % des suffrages exprimés, CALS 203.538, soit 09,64 % et Dekkal 121.477, soit 05,7 % ».

Et Der de se demander, avec un tel score où la CS a remporté 311 collectivités locales contre 151, soit plus du double, au détriment de l’opposition, si l’on peut parler de « déroute », de « débâcle », d’« « échec cuisant », de « naufrage ». « Que d’excès verbaux ! » avait pesté le leader de la Cap 21.

Der de terminer son raisonnement pseudo-scientifico-politique en affirmant que si « une élection présidentielle s’était tenue le 22 mars dernier, la Coalition Sopi l’aurait largement gagnée ; s’il s’était agi de législatives, elle aurait disposé de la majorité des sièges à l’Assemblée nationale ; si c’était un référendum, elle l’aurait également remporté haut la main ».

Hélas, malgré ces performances vantées par Der, Wade a été balayé du pouvoir après le second tour de la présidentielle de 2012. C’est donc dire que tout ce raisonnement trompeur pondu pour plaire au Chef et occulter la défaite n’aurait servi qu’à endormir Wade jusqu’en 2012 où avec une adjonction de circonstances (dévolution monarchique du pouvoir, troisième mandat), le peuple fut impitoyable pour un leader adulé et porté au pinacle 12 ans auparavant.

Pourtant, Ousmane Tanor Dieng, plus lucide, avait critiqué cette analyse superficielle de Der qui ne se contentait que de l’arithmétique du nombre de communes sans tenir compte de leur différentiel électoral. 13 ans après, le même syndrome guette Macky Sall.

Ses thuriféraires lui font croire qu’il a gagné l’essentiel des collectivités territoriales, alors qu’il a perdu le bassin électoral du Sénégal. Il s’agit de Dakar, Thiès, Tivaouane, Bambey, Diourbel, Mbacké, Touba, Kaolack, Ziguinchor, Bignona. Sans compter les localités où les listes Yewwi ont été invalidées (comme Pikine, deuxième ou troisième ville du Sénégal en nombre d’habitants !) et des communes comme Saint-Louis où le score électoral est étriqué entre Bennoo et Yewwi. Le total des partis d’opposition dépasse de loin celui du gagnant de ces locales à Saint-Louis.

Les spin doctors de sa Majesté, en l’occurrence El Hadji Kassé, Seydou Guèye, Pape Mahawa Diouf et leurs colporteurs, sont chargés de faire du psittacisme médiatique pour se donner bonne conscience de leur défaite électorale. Comme Midas qui transformait tout ce qu’il touchait en or, cette valetaille présidentielle veut transformer une défaite cuisante en une victoire glorieuse. On est dans la communication mensongère. Aujourd’hui, selon la méthode Der, ces architectes de la déformation et de la manipulation se transbahutent de tribune médiatique en tribune médiatique pour diluer l’euphorie de la victoire de Yewwi.

Pour eux, les communes sont d’égale dignité. Ce qui est politiquement une aberration voire un non-sens.

Comment peut-on comparer, par exemple, les 100 000 électeurs de la commune des Parcelles assainies de Dakar aux 792 électeurs de Kandion Mangana, commune du département de Bounkiling (Région de Sédhiou) ?

Comment peut-on comparer les 700 000 électeurs de la Ville de Dakar aux 25 000 électeurs du département de Ranerou Ferlo ?

Aujourd’hui, avec les héritiers de Der au sein de Bennoo, l’arithmétique politicienne se substitue à l’analyse scientifique des résultats des dernières locales. Le fétichisme des chiffres prend le dessus sur le réalisme électoral. Les communicants branquignols de Macky Sall s’échinent à ripoliner en vain la façade d’une coalition décatie. Au lieu de faire face à la réalité de la défaite électorale, le chef de Bennoo et ses caudataires s’adonnent à la politique de l’autruche en refusant de voir le danger qui les guette. Le réveil sera brutal et la chute fatale aux prochaines législatives où les Yewwistes promettent de sonner l’hallali pour donner le coup de grâce à la bête blessée avec « l’opération dogali ».

Serigne Saliou Gueye

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