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Le silence des lâches – Par Serigne Saliou Guèye

« Il est un temps où le silence est un acte de sagesse, il est aussi un temps où le silence est un acte de lâcheté » dixit Michel Biard. Mazouz Hacène renchérit : « Parfois, bien qu’il soit d’or, le silence est lâche et complice. Il faut avoir le courage de parler quand le moment l’exige ».

Le 10 février, lors du meeting interdit illégalement par un préfet soumis aux ordres de l’Exécutif, la voiture du Président Ousmane Sonko a subi des tirs de grenades dont l’un a failli éclater le pare-brise. Le silence observé par plusieurs régulateurs sociaux après l’interdiction de la manifestation et les tirs de grenades sur le véhicule d’Ousmane Sonko à Mbacké n’est qu’un acte de lâcheté et de complicité à l’arbitraire exercé sur le leader du Pastef.

Un tel acte sur la voiture de l’homme politique le plus populaire du Sénégal aurait pu avoir des conséquences dramatiques incommensurables si l’objectif visé était atteint. Pourtant le leader du Pastef n’a fait que vouloir exercer un droit constitutionnel qui est celui de manifester son opinion sur la marche du pays par le biais d’une réunion publique. Mais par la bêtise d’un préfet, qui a raconté des contrevérités toute honte bue dans son arrêté d’interdiction, Mbacké et Touba ont été la proie de violence inouïe.

Et ce qui est grave, c’est que les régulateurs sociaux ont passé sous silence cet acte grave qui, s’il avait réussi selon la volonté de ses commanditaires, pouvait embraser le Sénégal. Mais on préfère ne rien dire si on ne renvoie pas dos à dos Macky Sall et Ousmane Sonko.

Aucune dénonciation, ni une condamnation de ces tirs de grenades sur le véhicule de l’espoir de tout un peuple. On a l’impression que les régulateurs sociaux sont tétanisés au point ne pouvoir piper mot sur les agressions et les transgressions du pouvoir en place sur le leader de Pastef. On attaque le véhicule de presse, et le Synpics ne pond même pas une condamnation de principe. 

Au Sénégal, on a l’habitude de dire que rien ne se passera dans le pays de Cheikh Ahmadou Bamba, El Hadji Malick Sy, Baay Laay, Baye Niasse, El Hadji Omar Tall, Hyacinthe Thiandoum. Mais que ceux qui tiennent ce discours parfumée d’hypocrisie sachent la zone où moult prophètes sont apparus est sujette à des troubles violents quasi-permanents parce qu’il y a des gens qui y combattent sans relâche l’injustice.

Partout où règne l’injustice, la paix y est un vain mot. Mais là où règne la justice, la paix y élit domicile pour toujours. Les incantations, l’évocation des livres saints ou des hommes saints ne sont pas des talismans contre la violence. La seule parade contre la violence, c’est de respecter les lois de la République.

Or ce que nous voyons de plus en plus au Sénégal, c’est la mise à l’écart de ces lois de la République. Le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Ismaïla Madior Fall, n’a-t-il pas dit publiquement que le 3e mandat n’est plus une affaire de Constitution mais du peuple. Oubliant que c’est ce même peuple qui a interdit, en mars 2016, à travers un référendum, plus de deux mandats consécutifs.

Nous vivons dans un pays où l’on n’ose pas dire au Prince qu’il a tort. On préfère renvoyer dos à dos les deux protagonistes et leur faire partager la faute au lieu d’avoir le courage de clouer au pilori le seul dont la responsabilité est indéniable dans toutes les violences politiques intervenues au Sénégal ces trois dernières années.

Dans les pays démocratiques où seul le développement prime et transcende toutes les contingences partisanes, on protège les acteurs politiques en assurant leur sécurité parce qu’on considère qu’une fois au pouvoir, ils feront ce que leurs populations attendent d’eux. Mais dans une républiquette comme le Sénégal où la démocratie n’est qu’un vain mot, on préfère exercer une violence mortifère sur les opposants et permettre au Prince d’exercer sa dictature sur ceux-là qui ne partagent pas ses schèmes de gouvernance.

Dans un régime démocratique où la liberté d’expression est un droit constitutionnel, se taire c’est être complice des exactions du régime en place. Et Souleymane Boel n’avait pas tort en disant que « la lâcheté commence là où le silence voile les oppressions de la même manière que la nuit couvre le jour ».

Serigne Saliou Guèye

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