Le Sénégal à l’envers !
En lisant ce matin la presse en ligne sénégalaise, je me rappelai soudainement la citation d’Antoine Saint-Exupéry : « Il est bien plus difficile de se juger soi-même que de juger autrui. Si tu réussis à bien te juger, c’est que tu es un véritable sage ». Vous comprendrez plus tard pourquoi je cite cet axiome.
La question du 3ème mandat agite le Landerneau sénégalais. A fortiori depuis que le président ivoirien Alassane Ouattara a retourné sa veste pour briguer un 3ème mandat.
De façon surprenante, dès juillet 2019, juste 4 mois après l’élection à un deuxième mandat de Macky Sall, le 3ème mandat était mis sur le tapis. Sans doute pour plusieurs raisons :
– Le ni-ni de Macky Sall ;
– L’appétit politique des opposants qui ont cru pouvoir gagner l’élection présidentielle de 2019 ;
– La suspicion du PDS nourrie par leur propre expérience sur le sujet : « Ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire des grimaces ».
Sur le front de l’anti 3ème mandat, le PDS est particulièrement actif. Normal,
diriez-vous, ce parti est dans l’opposition ! Normal aussi car cette pratique démocratique occidentale de lutter contre la confiscation du pouvoir par un seul homme est devenue une promesse électorale très prisée et parfois une garantie constitutionnelle en Afrique.
Le PDS est-il toutefois le parti politique le mieux placé au Sénégal pour porter le combat contre un 3ème mandat de Macky Sall (si celui-ci se confirme) ?
Oui si Me Abdoulaye Wade ne s’était pas entêté à se présenter une troisième fois en 2012, à l’âge de 86 ans, et ayant coûté la vie à plusieurs sénégalais.
Oui, si le parti, dans sa traversée du désert entre 2012 et 2019, avait fait un effort d’introspection sur les tares de sa gouvernance concernant particulièrement la corruption et le 3ème mandat.
Certes, le PDS vous répondrait que, juridiquement parlant, le supposé 3ème mandat de Macky Sall n’a rien à voir avec celui de Me Abdoulaye Wade. Pas si sûr ! Macky Sall n’a fait que copier son mentor politique. C’est bien Me Abdoulaye Wade qui a ouvert la boîte de pandore du 3ème mandat.
La transformation du quinquennat en septennat et la décision du Conseil constitutionnel de 2012, l’ont conforté que tout était possible. Et ce malgré les écritures de la Constitution ! Après tout, qui a généreusement payé les juges constitutionnels avant qu’ils se prononcent sur la légitimité ou pas d’un 3ème mandat en faveur de Me Abdoulaye Wade ?
Je me suis prononcé depuis longtemps contre un 3ème mandat de Macky Sall. Et je continuerai à l’écrire. Je suis cohérent : en 2012, j’étais contre un 3ème mandat de Me Abdoulaye Wade.
Je m’interroge pourquoi l’opposition ramène cette question du 3ème mandat. N’est-il pas trop tôt ? Seulement 17 mois ont passé depuis la réélection de Macky Sall. Il reste encore 3 ans et demi pour l’élection de 2024.
Car c’est un argument politique imparable : il déstabilise assurément Macky Sall. C’est aussi une revanche de l’opposition sur Macky Sall et sa tendance à réduire l’opposition à sa plus simple expression, à travers le parrainage et autres.
C’est enfin un révélateur des difficultés actuelles de l’opposition : elle est en panne de propositions pour le Sénégal. Ce pays s’enferme encore sur des questions politiciennes, certes importantes mais encore lointaines au regard des échéances. En plein cœur de Covid-19, pas de propositions ou de rares actions en faveur de la lutte contre le coronavirus !
En réalité, la question va bien au-delà du 3ème mandat. C’est toute la pratique politique sénégalaise qui doit être remise en cause. Le nouvel ordre politique, issu de cette crise sanitaire, socio-économique et planétaire, devait être un mot d’ordre pour toute la classe politique.
Malheureusement, rien ne change : les comportements perdurent. Il faut assainir cette classe politique. Le PDS, de nouveau aux commandes du Sénégal, changera quoi pour le sénégalais lambda ? Rien ! Idem pour d’autres partis politiques !
On reprend les mêmes, on recommence la même chose. C’est ça leur programme pour 2024. Avez-vous vu un parti remettre en cause le culte de la personnalité qui favorise d’ailleurs le principe du 3ème mandat ? Tous les partis sénégalais le favorisent : le parti politique est une machine à moutons pour la gloire de leur leader. Me Abdoulaye Wade, sans doute le plus grand homme politique de l’histoire politique sénégalaise, n’en demeure pas moins à la tête de son parti depuis 1974. Comment dans ces conditions donner des leçons de bonne gouvernance ?
Avez-vous entendu un parti, à quelques rares exceptions, promettre la fin du cumul de président de la République et de chef de parti ?
Bref, le 3ème mandat est une question épineuse et celle-ci interroge au-delà du Président Macky Sall. Elle est la résultante d’un passé politique, elle est le reflet d’une société actuelle. Elle est bien plus que d’aucuns voudraient nous faire croire qu’elle est !
Le 3ème mandat appelle à se juger soi-même avant tout !
