Au printemps dernier, le général Michael Langley, chef des forces armées américaines en Afrique, tirait la sonnette d’alarme face au Congrès : « l’influence américaine sur le continent africain a été noyée par la désinformation russe », s’inquiétait-il lors de son audition devant les sénateurs.
Vu du terrain, difficile de le contredire. Ces derniers mois, Washington a enchaîné les revers.
Après le Tchad en mai dernier, c’était au tour du Niger de chasser les troupes américaines de son sol au mois de juillet. Un échec stratégique pour le Pentagone qui perdait dans la foulée sa base militaire d’Agadez, avant-poste de sa guerre contre le terrorisme au Sahel.
Dans les deux cas, l’ombre de Moscou plane. Quelques mois avant d’exiger le départ des troupes américaines, le président tchadien Mahamat Idriss Déby rencontrait Vladimir Poutine au Kremlin pour « renforcer les relations bilatérales » entre les deux pays. Quand à la junte militaire au Niger, elle n’a jamais caché sa proximité avec la Russie.
Par ailleurs, les agents de déstabilisation russes sont soupçonnés d’avoir donné un coup de pouce dans l’organisation des manifestations anti-françaises et anti-américaines qui ont éclaté « spontanément » à Niamey après le coup d’Etat militaire.
Autre caillou dans la chaussure de Washington : la Centrafrique, où une compagnie de sécurité privée américaine liée au Pentagone lorgnait sur des contrats de formation avec l’armée locale. L’idée a rapidement été abandonnée sous les assauts de la propagande anti-américaine orchestrée par Africa Corps, l’héritier de Wagner, présent dans le pays depuis 2018. Enfin, l’échec de la médiation américaine au Soudan, secoué par une guerre civile sanglante, renvoie Washington à l’inefficacité de sa diplomatie dans cette région de la Corne de l’Afrique.
Promesses de partenariat
Pourtant, après le désintérêt des années Trump, l’administration Biden semblait vouloir renforcer sa présence en Afrique. Ces dernières années, la Maison-Blanche a multiplié les promesses de partenariats et a relancé tous azimuts des programmes économiques comme l’African Growth and Opportunity Act. Celui-ci vise à accroître les relations économiques bilatérales entre les nations africaines et les Etats-Unis.
Mais le chef de l’Etat aura manqué son rendez-vous avec l’Afrique : en quatre ans de mandat, Joe Biden n’a jamais mis les pieds sur le continent. Pour retrouver la trace d’un président américain dans un pays africain, il faut remonter presque dix ans en arrière, en 2015, avec la tournée de Barack Obama. « L’Afrique a toujours été un sujet très secondaire pour Washington », tranche Thierry Vircoulon, chercheur à l’IFRI. « La présence américaine sur le continent est anecdotique : elle est surtout vue comme une tentative de contrer la mainmise chinoise sur les ressources africaines. »
Une mainmise chinoise inquiétante
Pour les Etats-Unis, la Chine est en effet un rival plus discret, mais bien plus inquiétant que la Russie. Pékin multiplie ces dernières années les investissements en Afrique et exploite massivement ses ressources naturelles : cuivre, or, lithium et terres rares. Certains de ces minerais servent notamment à la construction des batteries électriques : enjeux hautement stratégiques dans la guerre commerciale à laquelle se livrent les deux pays.
La politique économique et les échanges commerciaux de la Chine avec l’Afrique lui assurent par ailleurs la place enviable de premier partenaire commercial du continent. En 2021, leurs échanges commerciaux s’élevaient à 184,9 milliards de dollars, contre 58,7 milliards de dollars pour les Etats-Unis la même année.
A côté de cela, Washington est le premier fournisseur de l’aide au développement et injecte chaque année plusieurs milliards de dollars en Afrique. « Mais cela n’a pas vraiment d’impact ni d’influence sur les gouvernements africains », souligne Thierry Vircoulon.
Tandis que la diplomatie américaine est accaparée par l’Ukraine et le Proche-Orient, Pékin continue à dérouler le tapis rouge aux présidents africains pour renforcer ses partenariats. Malgré un ralentissement de ses investissements en Afrique ces dernières années, le président chinois Xi Jinping a promis de remettre la main au porte-feuille lors du neuvième Forum sur la coopération sino-africaine organisé le mois dernier dans la capitale chinoise. En tout, la Chine a promis une aide financière de 50 milliards de dollars sur les trois prochaines années.
Face à cette montée en puissance chinoise, un retour de Donald Trump aux affaires serait-il une mauvaise nouvelle pour la place des Etats-Unis en Afrique ? « Pas nécessairement, répond Thierry Vircoulon. On peut imaginer qu’une fois de retour, il continue sa politique résolument anti-chinoise. »
Or, pour contrer efficacement la Chine et ses positions stratégiques sur le continent africain, le milliardaire américain n’aurait pas d’autres choix que de regarder vers l’Afrique. Reste à savoir quels bénéfices en tireraient les pays africains.
Pierre Favennec
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