Le système EES de contrôle des entrées et sorties de l’espace Schengen, plusieurs fois reporté, devrait finalement entrer en vigueur le 10 novembre prochain. Les aéroports, mais aussi certains ports et gares, redoutent une explosion des délais d’attente aux frontières.
Après les épreuves olympiques, une autre épreuve, au moins aussi difficile, attend les aéroports, ainsi que certaines gares et ports français, cet automne. L’entrée en vigueur, le 10 novembre, du nouveau système informatisé de contrôles des entrées et sorties des voyageurs internationaux aux frontières de l’espace Schengen de l’Union européenne, alias EES (Entry/Exit System).
Après plusieurs reports, la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, a confirmé la date du 10 novembre, à compter de laquelle tous les ressortissants des pays autres que ceux de l’Union européenne, de l’Islande, du Liechtenstein, de la Norvège ou de la Suisse, devront enregistrer leurs données d’identification sur des bornes spécialement dédiées, avant de pouvoir pénétrer dans l’espace Schengen.
Plus de 700 millions de voyageurs concernés
Un beau défi en perspective, qui fait frémir tous les gestionnaires d’aéroports accueillant des voyageurs internationaux. Initialement prévu pour 2022, puis 2023, l’entrée en vigueur de l’EES avait été décalée à l’automne 2024 à la demande des autorités françaises, afin d’éviter le chaos pendant les Jeux Olympiques.
Mais d’autres voix, comme celles de l’Union des aéroports français et de la Fédération des compagnies aériennes françaises, s’étaient également élevées pour demander un nouveau report. Tous craignent d’interminables files d’attente aux frontières, au moins dans les premiers mois. Il y a de quoi.
Chaque voyageur concerné devra attendre son tour pour enregistrer lui-même ses données personnelles sur une borne, scanner ses empreintes digitales et se faire prendre en photo, avant d’aller présenter son passeport à la police. Et selon la commissaire européenne, plus de 700 millions de visiteurs voyageant en Europe pour un court séjour de moins de 90 jours (et sur une période de 180 jours) devront en passer par là chaque année.
Doublement du temps d’attente à Roissy-CDG ?
Une fois enregistrés, les visiteurs seront tranquilles pour trois ans (à moins de changer de passeport) et les entrées et sorties devraient être plus rapides. Mais d’après une estimation du ministère de l’intérieur, l’entrée en vigueur de l’EES risque de se traduire par un doublement du temps d’attente à l’aéroport de Roissy-CDG. «
Nous demandons à ce que le temps d’attente aux frontières, fixé à 45 minutes maximum par le gouvernement, soit respecté, souligne Thomas Juin, directeur de l’Union des aéroports français (UAF). Il est également important que l’on utilise le plein potentiel de la technologie, en évitant des contrôles redondants aux bornes et aux aubettes de la police. »
Encore faut-il que les bornes, conçues par Thales, soient en nombre suffisant pour faire face aux pointes de trafic et qu’elles fonctionnent correctement. Au total, le ministère de l’Intérieur aurait prévu quelque 450 bornes pour les aéroports, aux frais des exploitants d’aéroports, dont 60 % pour les deux aéroports parisiens de Roissy- CDG et Orly et 40 % pour les grands aéroports régionaux de plus d’un million de passagers par an.
Leur déploiement serait déjà bien avancé, mais la phase de test n’a pas encore commencé. On attend la fin des Jeux. Quant aux plus petits aéroports régionaux, où le contrôle des frontières est parfois assuré par les Douanes, l’enregistrement des voyageurs devra être assuré par du personnel. Reste à savoir lequel et en quelle quantité.
Les ressortissants d’Afrique du Nord, qui représentent le premier ou le deuxième flux de trafic international de plusieurs aéroports régionaux, seront très impactés.
Le directeur de l’Union des aéroports français, souligne le défi particulier présenté par les millions de voyageurs en provenance du Royaume-Uni, très nombreux à se rendre dans les petits aéroports régionaux français durant l’été, et qui seront soumis à l’EES européen. Même chose pour les ressortissants d’Afrique du Nord, qui représentent aujourd’hui, le premier ou le deuxième flux de trafic international de plusieurs aéroports régionaux.
Les aéroports ne sont toutefois pas les seuls menacés par une explosion des temps d’attente. Selon le maire de Londres, Sadiq Khan, la mise en place de l’EES à la gare Eurostar de St-Pancras pourrait se traduire par des heures d’attente, sachant que les autorités françaises n’ont prévu d’y installer que 24 bornes pour 12.600 passagers quotidiens. Les responsables du port de Douvres ont également évoqué de possibles files d’attente de 14 heures pour les camions également soumis à l’EES.
Mais une autre épreuve attend aussi les voyageurs des pays tiers en Europe, l’an prochain. A l’EES s’ajoutera en 2025, l’ETIAS (European Travel Information Authorisation System) : une autorisation de voyage dans les 30 pays de l’espace Schengen, qu’il faudra demander à l’avance, sur un site dédié. Elle concernera les ressortissants d’une soixantaine de pays, aujourd’hui dispensés de visas pour rentrer dans l’Union européenne.
La date d’entrée en vigueur de cette autorisation préalable, directement inspirée de l’ESTA américaine, n’est pas encore précisément fixée. Le système informatique, qui nécessite la mise en place d’une banque de données commune, est encore en phase de tests.
Mais on sait déjà que l’ETIAS sera payant (7 euros par voyageur pour commencer) et que le délai d’attente pourrait aller jusqu’à 30 jours, même si dans la plupart des cas, l’autorisation pourrait être délivrée en quelques minutes.
Malheureusement, l’entrée en vigueur de l’ETIAS coïncidera probablement avec la mise en place d’une autorisation équivalente pour les détenteurs de passeports européens dans certains pays.
Le Royaume-Uni a déjà annoncé son intention d’étendre son autorisation de voyage électronique, aux détenteurs de passeports européens. Il devrait en coûter 10 livres. —
Bruno Trévidic avec Les Echos
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