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Le « Made in Cameroun », un pari pour l’avenir

Le « Made in Cameroun », un pari pour l’avenir

« C’était fou » comme pari, se souvient Gaëlle Laura Zambou Kenfack, entrepreneure camerounaise de 38 ans. Après 10 ans chez BMW en Allemagne en tant que consultante, elle retourne au Cameroun fin 2016 et crée une société spécialisée dans la production, la transformation et la distribution de produits locaux.

Comme elle, de nombreux chefs d’entreprises misent sur le « Made in Cameroun » (MIC), un concept lancé par le secteur privé il y a 5 ans pour soutenir la production et la consommation locales, dans ce pays d’Afrique centrale de quelque 25 millions d’habitants encore très dépendant de l’extérieur et dont l’économie a été touchée de plein fouet par l’épidémie de coronavirus.

Des magasins labélisés « Made in Cameroun » ont déjà ouvert leurs portes dans plusieurs villes du pays. « Il y a 5 ans, il y avait une seule boutique dédiée au MIC. Nous sommes aujourd’hui à 33 », se réjouit Carine Andela, présidente de l’Association entrepreneurs ingénieux d’Afrique (Asenia).

Mme Andela s’est elle-même lancée dans l’élevage de poissons. Si les aquaculteurs locaux ont beaucoup importé les alevins du Nigeria voisin, « ce qui est intéressant c’est que certains jeunes ont commencé à en produire » sur place, affirme Mme Andela.

Pas sorcier
A Biyem-Assi, quartier populaire de Yaoundé, la société créée par Gaëlle Laura Zambou Kenfack, Kenza Market, est un des tout premiers commerces du MIC à avoir ouvert au Cameroun.

Épices, fruits et légumes séchés, huiles végétales pour la peau ou marinades garnissent les rayons. Un des produits phares de ce magasin est le « sel épicé », un mélange de sel et de plusieurs épices locales. « Notre concept est de promouvoir le « Made in Cameroun » en mettant en avant les produits locaux car c’est ça qui fait grandir l’économie », estime Mme Zambou.

Pour l’approvisionnement régulier de sa boutique, elle est en relation avec une dizaine de producteurs locaux à qui elle achète la matière première avant de la transformer. La cheffe d’entreprise, qui possède un autre magasin à Douala, la capitale économique du Cameroun, souhaite en ouvrir rapidement d’autres.

Samuel Safo Tchoffo a lui aussi franchi le pas en créant sa propre société. Son usine pilote de décorticage de graines de courges est située à Montée Jouvence, un autre quartier populaire de Yaoundé. « Il a fallu 27 ans de recherche pour arriver à cette usine », martèle d’emblée avec un large sourire cet ancien ingénieur du secteur pétrolier, aujourd’hui en crise en raison de la chute des prix du baril. L’unité de production est constituée d’une chaîne de 11 machines montées pour convoyer, décortiquer, trier la graine de courge, puis presser son amande pour en extraire de l’huile.

« Les machines sont totalement fabriquées au Cameroun, et nous avons mis un point d’honneur à le faire non seulement pour transformer localement, mais aussi pour montrer aux jeunes qu’on peut le faire… et que ce n’est pas sorcier », explique M. Safo. Son usine produit aussi du savon et de la farine allégée de graine de courge.

« Je suis intéressée par les vertus de cette huile. J’ai souvent entendu parler d’elle. Je suis venue l’acheter pour la découvrir », confie une cliente, Juliette Mbango, rencontrée durant une foire.

Problèmes de financement
Mais pour Édith Laure Pokam, consultante en management, le MIC souffre encore de handicaps majeurs.

« De nombreux consommateurs veulent bien acheter ce qui est fait sur place, mais ils ont des doutes sur la qualité », estime-t-elle. Autre frein: le prix. « Les promoteurs du MIC ne sont pas encore en mesure de concurrencer les produits importés car ceux-ci sont bon marché », poursuit-elle.

Même constat du côté des entrepreneurs. Pour Mme Andela, le « Made in Cameroun » a, certes, un avenir devant lui, mais l’initiative se heurte à des problèmes structurels, notamment du côté des « financements pour l’achat des machines et l’acquisition de la matière première. Il y aussi des problèmes d’encadrement ».

« C’est la force politique qui peut changer les choses. Certains n’ont pas encore compris les enjeux de ce que nous sommes en train de faire », poursuit-elle.

Dakarecho avec AFP

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