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Le hacker Clément Domingo, alias SaxX, s’engage pour éviter une cyberguerre

Le hacker « éthique » rennais SaxX, de son vrai nom Clément Domingo, vient de fonder l’ONG Hackers sans frontières. Et il s’implique dans le conflit en Ukraine pour tenter d’empêcher les cyberattaques

« Si un jour il y a une troisième guerre mondiale, elle commencera sans doute dans le cyberespace. » SaxX n’est pas un prophète. Mais un prodige rennais de la cybersécurité. En 2018, il livrait déjà ses craintes à Ouest-France. Quatre ans plus tard, la Russie vient d’envahir l’Ukraine et le monde est au bord d’une guerre numérique.

Dans chaque camp, des hackers, ces pirates de l’informatique, s’affrontent à coups d’actions et de revendications : chacun arguant avoir mis hors service les sites internet d’une administration ou de grands médias, l’accès au réseau bancaire ukrainien ou russe… Car la désinformation et la peur, comme dans tout conflit, jouent un rôle prépondérant pour peser sur l’opinion publique et la rallier à son combat.

L’Ukraine, Clément Domingo, alias SaxX, y était justement il y a quatre ans. À 27 ans, il avait été sélectionné pour participer à une compétition réunissant les vingt meilleurs hackers européens. Il se souvient encore de son émotion lors de la visite de la centrale nucléaire de Tchernobyl, de ses discussions dans un bar de Kiev avec un hacker russe, Dimitri, établi à Saint-Pétersbourg et non à Moscou, en raison de la grande répression qui y sévissait.

Être un génie de l’informatique peut donner un sentiment de toute-puissance considérable. Un hacker est capable d’entrer à notre insu dans un ordinateur ou un téléphone pour récupérer toutes les données privées, de pirater une webcam pour observer sa cible… Sur son ordinateur, SaxX jongle avec les touches du clavier, enchaîne les lignes de codes avec une agilité hors normes.

Pas question, pour autant, de s’en servir comme d’une arme. Lui qui s’est principalement formé seul, en parallèle d’un BTS informatique de gestion dans le Finistère puis d’un apprentissage en management de système d’information, a choisi de se placer « du bon côté de la force ». Au service du conseil départemental d’Ille-et-Vilaine, puis de Sopra Steria, groupe français spécialisé dans la sécurité informatique.

Puis l’année 2020 est arrivée. « Le confinement et un grave accident de moto m’ont conduit à une prise de conscience, à me demander s’il y avait du sens dans ce que je faisais », confie-t-il.

Fini l’isolement et le « bug bounty », cette pratique qui consiste à signaler à des entreprises les vulnérabilités sur leur système d’information pour les aider à les corriger, en échange de primes. Clément Domingo a décidé de miser sur ses économies, sa force de conviction et ses valeurs pour tenter d’« amener un vrai débat au niveau des citoyens et des États » sur la cybersécurité.

« Leur utilité est indéniable »
Pour ce Franco-Sénégalais né à Dakar et arrivé en France à l’âge de 18 ans, il était évident qu’il fallait démarrer par l’Afrique, où les défis sont gigantesques. « Il y a un vrai vide sur les plans législatif, technique, organisationnel : tout un écosystème à construire. » En particulier comparé à des pays comme Israël ou le Canada, où des bases d’informatique et de programmation sont enseignées très tôt aux enfants, pour
les aider à développer leur « esprit critique ».

L’étape suivante a été de sillonner en 2021 les collèges de l’Hexagone pour parler cyberharcèlement, confidentialité des mots de passe, hameçonnage, rencontres en ligne… « De nombreux enfants sont dotés d’un smartphone à partir du CM2. Mais beaucoup de parents répondent par la répression sans expliquer quels sont les dangers des réseaux sociaux et d’Internet », regrette Clément Domingo.

À peine plus âgés, de jeunes Français envisagent aujourd’hui de jouer les apprentis hackers pour s’engager aux côtés de l’Ukraine. « Si on n’écoute que notre cœur, nos émotions, on peut être tenté. Mais c’est une mauvaise idée, car nombre d’entre eux n’en maîtrisent pas les codes et ne réalisent pas les conséquences », alerte le professionnel.

Lui se documente activement sur le conflit, mais dans un autre but. En janvier, le siège international de la Croix- Rouge a été victime d’une grande cyberattaque. « La colère et un sentiment d’impuissance » ont poussé
Clément Domingo à fonder avec trois amis une ONG, Hackers sans frontières.

« L’utilité de ces hackers éthiques en matière de cybersécurité est indéniable ! D’autant plus quand leur engagement les pousse aussi à se lancer dans des démarches comme celle-ci », estime l’anthropologue numérique Françoise Halper.

Levée de fonds, recrutement de bénévoles… Tout reste à faire. Mais ils souhaitent « assurer une cyberprotection et une assistance humanitaire aux ONG et aux victimes de conflits armés et d’autres situations de violence », partout dans le monde où il y a un accès à Internet. « L’Internet doit rester une chance et un lien entre les humains plutôt qu’une menace », insiste-t-il.

Depuis dimanche, SaxX n’a quasiment pas dormi : il tente de décortiquer le mode opératoire et les ramifications du groupe de cybercriminels prorusses Conti, dont des échanges secrets viennent d’être dévoilés.

Espérant aider des associations à se protéger et préparer leur défense.

Texte : Gaëlle FLEITOUR. Photo : Mathieu PATTIER.

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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