Le ministre algérien de la Communication accuse la chaîne de télévision française de « parti pris flagrant » dans la couverture des manifestations du mouvement prodémocratie du Hirak.
Le ministre algérien de la Communication a menacé ce samedi la chaîne de télévision internationale France 24 de « retrait définitif » d’accréditation en raison, selon lui, de son « parti pris flagrant » dans la couverture des manifestations du mouvement prodémocratie du Hirak.
« Un dernier avertissement avant retrait définitif de l’accréditation a été adressé à France 24 », a prévenu le ministère dans un communiqué. « Le parti pris de France 24 dans la couverture des marches du vendredi est flagrant, allant jusqu’à recourir sans retenue aucune à des images d’archives pour les antidater afin de porter secours à un résidu antinational constitué d’organisations réactionnaires ou séparatistes, aux ramifications internationales », a-t-il accusé dans une violente diatribe.
Le ministère de la Communication fait ainsi allusion au mouvement islamiste Rachad et au Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK, indépendantiste), tous deux illégaux en Algérie. « Nous essayons de faire notre travail le plus honnêtement possible. Nous faisons juste notre travail de journalistes dans le respect des règles en vigueur », a réagi Marc Saikali, directeur de France 24, auprès de l’AFP. « Nous n’avons pas de parti pris et encore moins d’agenda quelconque destiné à nuire à qui que ce soit », a-t-il assuré.
«Activité subversive»
Le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Ammar Belhimer, a convoqué le bureau de France 24 accrédité à Alger pour le mettre en garde « contre ce qui s’apparente à une activité subversive, illustrée par des pratiques peu professionnelles hostiles à notre pays », précise le communiqué relayé par l’agence officielle Algérie Presse Service (APS).
La menace du gouvernement algérien à l’encontre de France 24 survient au moment où les partisans du Hirak redescendent à nouveau chaque semaine par milliers dans les rues depuis le deuxième anniversaire du soulèvement populaire le 22 février dernier, après un an d’interruption à cause de la crise sanitaire.
Le Hirak – un mouvement pacifique, pluriel et sans leadership – exige le démantèlement du « système » en place depuis l’indépendance en 1962, synonyme à ses yeux de corruption, de népotisme et d’autoritarisme. Ignorant les revendications de l’opposition, le président Abdelmadjid Tebboune a convoqué des élections législatives anticipées le 12 juin prochain afin de reprendre la main face à la rue.
Selon le ministère, « la ligne éditoriale (de France 24) est construite sur les slogans hostiles à notre pays, son indépendance et sa souveraineté, ses services de sécurité et à son Armée nationale populaire ». « Elle s’efforce de régénérer coûte que coûte ces ‘bouleversements préfabriqués’ contre-révolutionnaires fomentés par des ONG ayant pignon sur rue à Paris et dans d’autres capitales européennes », une référence entre autres à Reporters sans Frontières (RSF) et Amnesty International.
Les médias étrangers travaillant en Algérie sont soumis depuis des années à une procédure d’accréditation bureaucratique, opaque et arbitraire. Le directeur de l’Agence France-Presse (AFP) pour l’Algérie, Philippe Agret, nommé en octobre 2019, n’a toujours pas été accrédité par les autorités, ce sans la moindre explication. En outre, les conditions de travail restent difficiles pour les journalistes algériens, exposés à la fois à des poursuites judiciaires, voire à des peines de prison, comme Khaled Drareni, et à l’hostilité de certains militants du Hirak.
«Baltaguis»
Vendredi, lors du défilé hebdomadaire du mouvement de protestation populaire, des journalistes et une militante du Hirak ont été la cible d’agressions violentes de la part d’un groupe de « baltaguis », des nervis au service du régime qui s’en prennent aux hirakistes, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une association de soutien aux prisonniers d’opinion. En outre, une équipe de France 24 a été prise à partie par des membres du cortège, selon des journalistes de l’AFP sur place.
Ce n’est pas la première fois que des manifestants expriment de l’animosité à l’égard des médias, accusés de partialité en faveur du régime. Il est également parfois reproché aux journalistes recrutés par des médias français d’être les représentants d’un pays considéré comme un soutien du président Tebboune.
L’Algérie figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF, dégringolant de 27 places par rapport à 2015.
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