Le général Abdourahamane Tchiani, chef de la garde présidentielle du Niger à l’origine de la chute du président élu Mohamed Bazoum, s’est présenté vendredi comme le nouvel homme fort du pays, les putchistes mettant en garde contre toute intervention militaire étrangère.
Le général Tchiani est apparu sur les écrans de la TV nationale pour lire un communiqué en tant que « président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) », la junte qui a renversé Mohamed Bazoum.
Proclamé ensuite chef de l’Etat par ses pairs, il a justifié le coup d’Etat de mercredi par « la dégradation de la situation sécuritaire » dans un Niger miné par la violence de groupes jihadistes.
Sous le président Bazoum, il y avait « le discours politique » qui voulait faire croire que « tout va bien », alors qu’il y a « la dure réalité avec son lot de morts, de déplacés, d’humiliation et de frustration », a-t-il dit.
Selon lui, « l’approche sécuritaire actuelle n’a pas permis de sécuriser le pays en dépit de lourds sacrifices consentis par les Nigériens et le soutien appréciable et apprécié de nos partenaires extérieurs », la France et les Etats-Unis faisant partie des principaux en y déployant respectivement environ 1.500 et 1.100 soldats.
Le général a demandé « aux partenaires et amis du Niger, en cette étape cruciale de la vie de notre pays, de faire confiance à nos Forces de défense et de sécurité, garantes de l’unité nationale ».
Il s’est aussi interrogé sur « le sens et la portée d’une approche sécuritaire de lutte contre le terrorisme qui exclut toute véritable collaboration avec le Burkina Faso et le Mali », deux pays voisins du Niger, également dirigés par des militaires putschistes et frappés par la violence jihadiste.
Ce haut gradé discret commande la garde présidentielle depuis sa nomination en 2011 par Issoufou Mahamadou, prédécesseur de Mohamed Bazoum.
Peu après son intervention télévisée, un communiqué de la junte mettait en garde contre « toute intervention militaire étrangère », alors que « certains anciens dignitaires terrés dans des chancelleries en collaboration avec ces dernières, sont dans une logique de confrontation ».
M. Bazoum a passé vendredi avec sa famille sa 3è journée de séquestration dans sa résidence présidentielle, mais a pu s’entretenir au téléphone avec d’autres chefs d’Etat, parmi lesquels le président français Emmanuel Macron qui a condamné « avec la plus grande fermeté » le putsch l’ayant renversé et exigé sa libération.
« Ce coup d’Etat est parfaitement illégitime et profondément dangereux pour les Nigériens, pour le Niger, et pour toute la région », a-t-il déclaré depuis la Papouasie Nouvelle-Guinée.
Le ministère des Affaires étrangères a ensuite indiqué que la France « ne reconnaît pas les autorités » issues du putsch.
Manifestation interdite
Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger, jusqu’alors allié des pays occidentaux, devient le troisième pays du Sahel, miné par les attaques de groupes liés à l’Etat islamique et à Al-Qaïda, à connaître un coup d’Etat depuis 2020.
Le Mali et le Burkina Faso se sont notamment tournés vers la Russie après avoir exigé le départ des soldats français de leur sol.
Après une manifestation jeudi de partisans de la junte dont certains brandissaient des drapeaux russes et émaillée d’incidents, un nouveau rassemblement des partis d’opposition au président Bazoum, a été interdit.
La junte, qui rassemble tous les corps de l’armée, de la gendarmerie et de la police, a suspendu les institutions, fermé les frontières terrestres et aériennes, et instauré un couvre-feu.
Le putsch a été vivement condamné par les partenaires occidentaux du Niger, plusieurs pays africains et l’ONU, qui ont demandé la libération de Bazoum.
Un « sommet spécial » de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à laquelle appartient le Niger, aura lieu dimanche à Abuja pour évaluer la situation après le putsch, avec de probables sanctions à la clé.
Un communiqué précise que la « CEDEAO et la communauté internationale feraient tout pour défendre la démocratie et veiller à ce que la gouvernance démocratique continue à s’enraciner fermement dans la sous-région ».
A Nairobi, le président kenyan William Ruto a estimé qu’avec ce coup d’Etat, « l’Afrique a subi un sérieux revers dans ses avancées démocratiques ».
L’Union européenne (UE), par la voix du chef de sa diplomatie Josep Borrell, a menacé vendredi de suspendre « tout appui budgétaire ».
L’ONG Human Rights Watch a elle estimé que les droits humains sont « menacés » après le putsch, la junte ayant cependant affirmé vendredi « sa volonté » de respecter les « droits de l’homme ».
Partenaire privilégié de la France dans le Sahel et riche en uranium, le Niger a une histoire est jalonnée de coups d’Etat depuis l’indépendance de cette ex-colonie française en 1960.
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