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Le calvaire des domestiques étrangères au Liban

Une trentaine de femmes s’entassent dans le hall d’entrée du consulat du Kenya, situé dans un quartier résidentiel de la capitale du Liban.

Parmi elles, Mariam, 29 ans. À la rue depuis trois semaines, l’ancienne femme de ménage partage un matelas en mousse avec deux autres filles. On n’a pas de toilettes ou d’endroit pour se laver , souffle-t-elle, emmitouflée dans une doudoune. Il fait 6 °C.

« Comment je survis, moi ? »
Avant de dormir par terre, Mariam touchait l’équivalent de 220 € par mois. Un maigre salaire, mais qui servait à faire vivre ses deux enfants et ses parents restés au Kenya. Mais, du jour au lendemain, à l’automne 2021, ses employeurs ont cessé de la payer, ruinés comme des centaines de milliers d’autres par la crise économique et le plongeon de la livre libanaise.

Ils m’ont dit : Je n’ai plus d’argent. Mais comment je survis, moi ? Comment je mange ? Mes proches comptent sur moi ! se lamente Mariam. Sans aucune ressource, Mariam et ses compagnes d’infortune demandent à être rapatriées au Kenya. Et leur sort est loin d’être un cas isolé. Le Liban emploie plus de 250 000 domestiques venues d’Afrique ou d’Asie, pour seulement 5 millions d’habitants.

La plupart des employées étrangères ont été recrutées par des agences spécialisées comme celle de Joseph Saliba. Chaque année, il fait venir jusqu’à 300 femmes du Kenya, d’Éthiopie, de Sierra Leone ou du Cameroun. Les candidatures défilent sur son ordinateur. Des fiches avec numéro de téléphone, âge, photo, langues parlées, mais aussi religion, taille, poids et couleur de peau…

Mais avec l’effondrement de l’économie, 80 % des foyers libanais vivent désormais sous le seuil de pauvreté. En janvier, le salaire minimum est tombé à l’équivalent de 18 € par mois, en livre libanaise, qui a perdu vingt fois sa valeur.

« La classe moyenne qui employait des domestiques, c’est fini, explique Joseph Saliba. Nous recevons beaucoup d’appels de clients qui nous disent qu’ils ne peuvent plus garder leur bonne. » Dans ce cas, en théorie, l’employeur doit payer le billet retour ou l’agence trouver une autre famille. La réalité est que des milliers de domestiques sont jetées dans la rue.

Il m’a traitée comme un animal.
En cas d’abus, les domestiques n’ont aucune protection car elles sont soumises à la Kafala – un système de tutelle qui existe aussi dans les pays du Golfe et qui est dénoncé comme une forme d’esclavage moderne par les ONG de défense des droits humains.

Parmi les naufragées du consulat du Kenya, Anita, 30 ans, raconte ainsi comment son patron lui a dit que pour être payée, elle devait coucher avec lui. Quand j’ai refusé, il m’a traitée comme un animal. Anita a fini par s’enfuir, mais l’homme a gardé son passeport.

La Kafala permet le trafic d’êtres humains, des abus et du travail forcé, souligne Ghina al-Andary, assistante sociale à l’ONG Kafa. C’était déjà très difficile pour ces femmes d’obtenir justice, mais là c’est devenu impossible de porter plainte car tout le pays s’effondre…

Une réforme des conditions de la Kafala a bien été lancée en 2019. Mais la paralysie économique et politique du Liban a bloqué toute avancée.

Chloé DOMAT avec Ouest France

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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