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L’avenir politique incertain d’Ousmane Sonko

L’avenir politique incertain d’Ousmane Sonko

Arrêté à la fin de juillet, notamment pour appel à l’insurrection et atteinte à la sûreté de l’Etat, le détenu a repris sa grève de la faim le 17 octobre pour contester son incarcération.

Quarante degrés de fièvre, vomissements, perte de connaissance et soins en réanimation. Le compte rendu du médecin chef de l’administration pénitentiaire, daté du 24 octobre, concernant l’état de santé de l’opposant sénégalais Ousmane Sonko, est plus inquiétant que ce que laissaient jusque-là transparaître les autorités.

Arrêté à la fin de juillet, notamment pour appel à l’insurrection et atteinte à la sûreté de l’Etat, le détenu a repris sa grève de la faim le 17 octobre pour contester son incarcération, après avoir déjà été admis en réanimation en août.

D’après la correspondance du colonel Abdoulaye Diagne, directeur de l’administration pénitentiaire, adressée à la garde des sceaux, Aïssata Tall Sall, qui a fuité jeudi 26 octobre dans la presse, il « tient des propos délirants et incohérents ».

Le soir même, le procureur de la République a réagi en annonçant par communiqué l’ouverture d’une enquête « pour identifier les auteurs de cette publication ». « Outre la violation des droits du détenu, ces faits d’une particulière gravité constituent toute une panoplie d’infractions relatives à la diffusion de données à caractère personnel. »

Etat de santé « catastrophique »
« Ces communications permettent d’établir que le pouvoir sénégalais est informé dans le moindre détail de sa situation (…). Nous prévenons les dirigeants du Sénégal : leur responsabilité est engagée. En cas d’ “incident”, il n’y aura pas d’impunité », s’est exprimé le 26 octobre sur X (ex-Twitter) son avocat français, Juan Branco.

« L’Etat ne conteste pas le contenu de ce document. Cela signifie qu’il était au courant de l’état de santé catastrophique d’Ousmane Sonko », ajoute Me Bamba Cissé, avocat du leader des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), dissous le 31 juillet.

Réagissant au communiqué du procureur, le conseil estime que « la question de l’enquête est un contre-feu ». « Mon client ne demande pas à ce que ses données personnelles soient protégées par l’Etat », a-t-il insisté.

Les avocats et proches d’Ousmane Sonko alertent sur son état de santé depuis plusieurs jours déjà. Me Ciré Clédor Ly avait annoncé, le 23 octobre, qu’il était tombé dans le coma avant de reprendre connaissance le jour même. « J’ai un permis spécial pour aller voir Ousmane Sonko, mais je n’ai pas pu lui rendre visite étant donné son état de santé fragile », témoigne Amadou Ba, membre du cabinet de l’opposant.

Avalanche de procédures judiciaires
Candidat à l’élection présidentielle de février 2024, Ousmane Sonko accuse le président, Macky Sall, de vouloir l’écarter du scrutin par des procédures judiciaires à répétition. Condamné à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » en son absence, le 1er juin, le leader du Pastef avait été radié des listes électorales.

La décision a été annulée par un jugement du tribunal de Ziguinchor, ville au sud du pays dont il est le maire, mais cette annulation n’a pas encore été appliquée. La direction générale des élections refuse toujours de lui distribuer ses fiches de parrainage, utilisées pour collecter les signatures nécessaires pour valider une candidature, jugeant que la décision n’est « pas définitive », puisque les avocats de l’Etat ont formé un pourvoi devant la Cour suprême.

Une autre épée de Damoclès plane au-dessus de la tête d’Ousmane Sonko : la Cour suprême doit bientôt se prononcer définitivement sur sa peine de six mois de prison avec sursis prononcée en appel du procès pour diffamation intenté par le ministre du tourisme, Mame Mbaye Niang, qui pourrait lui faire perdre ses droits civiques.

« Roi ou faiseur de roi »
Malgré ces difficultés, Birame Khoudia Lo, secrétaire général adjoint du Pastef, maintient qu’Ousmane Sonko reste leur seul et unique candidat du parti pour l’élection présidentielle de février 2024. « Nous nous battons pour avoir les fiches de parrainage, car il a été injustement et arbitrairement arrêté et retiré des listes électorales. Il sera roi ou faiseur de roi », continue-t-il, tout en assurant que le parti « n’a pas de plan B ».

Cinq autres membres du Pastef ont pourtant récupéré des fiches de parrainage, dont El Malick Ndiaye, Abass Fall, Birame Souleye Diop, Bassirou Diomaye Faye et Guy Marius Sagna, député actuellement en tournée en Europe. Aucun d’eux ne s’est déclaré candidat, mais il pourrait théoriquement sauter le pas si le parti changeait de stratégie.

Pour le moment, le Pastef demande à ses partisans de garder leurs parrainages et d’attendre les consignes, le temps que tous les recours possibles soient épuisés pour rendre ses droits civiques à Ousmane Sonko en vue d’une participation à l’élection présidentielle. « Même si un autre candidat représente le Pastef en 2024, ce sera un candidat et un président de transition. Depuis l’hôpital, Ousmane Sonko donne ses consignes, que nous respectons », estime Baba, jeune militant de Pastef, pour qui Guy Marius Sagna serait la solution alternative la plus légitime.

Théa Ollivier avec Le Monde 

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