PolitiqueVedette - La UNE

L’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko déclenche des émeutes

« On a peur, l’heure est grave », admet d’une voix inquiète El Hadj, habitant du Plateau, quartier d’affaires en plein cœur de Dakar. Ce vendredi 5 mars, l’homme, âgé, prend bien garde de ne pas s’avancer trop dans la rue. Il se penche prudemment pour regarder les manifestants courir dans les ruelles, fuyant les grenades de gaz lacrymogène lancées par les forces de police. « Manifester, oui. Mais je suis contre les saccages », continue-t-il.

Pneus brûlés, magasins pillés – dont plusieurs enseignes françaises –, médias attaqués, autoroutes bloquées… Depuis l’arrestation d’Ousmane Sonko, principal opposant politique au président Macky Sall, le mercredi 3 mars, manifestations et émeutes se sont multipliées à Dakar et dans plusieurs villes du pays. Au total, quatre personnes sont mortes, a indiqué le ministère de l’intérieur vendredi soir, n’hésitant pas à qualifier d’« actes de nature terroriste les saccages, pillages et dégradations de bâtiments publics et de biens privés ». Des arrestations et des blessés sont aussi à déplorer, sans qu’un bilan officiel n’ait été communiqué.

Au Plateau, normalement très animé, les boutiques ont toutes baissé leur rideau. Les rues se sont vidées, tandis que des détonations retentissent dans la capitale et que des colonnes de fumée noire s’élèvent au-dessus des immeubles. « Ça fait mal au cœur, je ne reconnais pas ma ville », lâche Sam Diop, un instituteur de 45 ans. Lui clame ne pas être un partisan d’Ousmane Sonko mais qu’« il faut le libérer, même de façon provisoire, car ça va mal tourner ». « Il y a de la frustration et même de la haine. Les Sénégalais en ont ras-le-bol de cette situation », prévient le Dakarois, expliquant ne pas avoir vu de manifestations d’une telle ampleur depuis 2011. Cette année-là, l’ancien président Abdoulaye Wade avait tenté de changer la Constitution pour pouvoir se présenter à un troisième mandat. La pression de la rue l’en avait empêché.

Frustrations
Les troubles qui secouent depuis trois jours la capitale sénégalaise sont en effet les plus graves depuis des années dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, considéré comme un îlot de stabilité. C’est là le résultat d’une affaire qui agite le Sénégal depuis un mois et a fini par cristalliser les frustrations politiques, économiques et sociales de la population.
A l’origine : Ousmane Sonko, dirigeant du parti des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), visé depuis début février par une plainte pour viols et menaces de mort à l’encontre d’une jeune employée d’un salon de beauté. Arrivé troisième à l’élection présidentielle de 2019, l’homme est particulièrement populaire parmi la jeunesse urbaine et la diaspora en Europe. Lorsqu’il est convoqué par un juge d’instruction, le 3 mars, ses partisans voient rouge et commencent à se mobiliser. Alors qu’il est en chemin pour le tribunal, la mobilisation grandit. Il est arrêté pour « trouble à l’ordre public » et « participation à une manifestation non autorisée ».
Appel « au calme et à la retenue »
Ce vendredi 5 mars, une coalition de partis politiques d’opposition et de mouvements de la société civile avait prévu de marcher jusque devant l’Assemblée nationale pour « défendre la démocratie ». Ils ont été repoussés et dispersés par les forces de police. « Nous voulons notre liberté et nous n’avons pas peur. Ousmane Sonko est l’espoir de la jeunesse, crie à pleins poumons Tony Boissy, un jeune manifestant. On en a marre, le président Macky Sall doit se ressaisir et prendre soin du peuple. »

Digital Manager - Chef de projet chez Alixcom Dakar | E-mail: saliou@dakar-echo.com | +221 77 962 92 15

Articles Similaires

1 sur 237

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *