La junte qui a pris le pouvoir il y a une semaine au Burkina Faso est « très ouverte » aux discussions, ont assuré les émissaires internationaux qui ont rencontré le nouvel homme fort du pays lundi à Ouagadougou mais aussi le président renversé Roch March Christian Kaboré, qui « va très bien ».
« Les discussions ont été très franches. Ils ont semblé très ouverts aux suggestions et propositions qu’on leur a faites. Pour nous c’est bon signe », a déclaré à la presse la ministre des Affaires étrangères du Ghana, Shirley Ayorkor Botchwey.
Elle était à la tête d’une délégation conjointe de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’ONU qui a rencontré à la mi-journée Paul-Henri Sandaogo Damiba, le nouvel homme fort du Burkina, et plusieurs membres de la junte au pouvoir depuis un coup de force lundi dernier.
« Je crois qu’on s’est bien compris, nous avons eu de très bons échanges avec le chef de l’Etat. Ce que j’ai noté, c’est leur disponibilité à travailler avec la CEDEAO », a déclaré Jean-Claude Kassi Brou, président de la commission de l’organisation ouest-africaine.
La délégation a également pu rencontrer le président déchu Roch Marc Christian Kaboré, contraint à la démission le 24 janvier après avoir été arrêté par les putschistes, puis placé en résidence surveillée dans une villa de Ouagadougou.
Kaboré « va très bien »
« Il va très bien », a assuré Annadif Mahamat Saleh, représentant spécial de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (Unowas), qui a souligné que la délégation a « exigé sa libération ».
« Nous avons eu une courte entrevue avec lui et il est dans un bon état d’esprit. Il a l’air d’aller bien, il a accès à ses médecins et il peut recevoir des visites de sa famille », a complété Mme Botchwey.
Auparavant, le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR, junte) avait annoncé assurer « la continuité de l’Etat en attendant la mise en place des organes de transition », selon un « acte fondamental » lu à la télévision nationale par un de ses membres, le lieutenant-colonel Cyprien Kaboré.
Le texte précise que « l’acte fondamental lève la suspension de la Constitution », que le MPSR devient « l’organe central » des institutions, et son président « chef de l’Etat, chef suprême des forces armées nationales ».
L’acte fondamental garantit l’indépendance de la justice et la présomption d’innocence, ainsi que les libertés fondamentales contenues dans la Constitution, en particulier la liberté de circuler, la liberté d’expression et celle de la presse.
Un décret a par ailleurs mis fin aux fonctions du chef d’état-major des armées, Gilbert Ouedraogo, dans un pays en proie depuis 2015 à des attaques de groupes jihadistes de plus en plus fréquentes, que le pouvoir de M. Kaboré n’a pas réussi à contenir.
Après sa suspension vendredi des instances de la CEDEAO, le Burkina Faso l’a été lundi de celles de l’Union africaine (UA) « jusqu’au rétablissement effectif de l’ordre constitutionnel dans le pays », comme le Mali et la Guinée voisins, où des militaires ont également pris le pouvoir.
Le procès Sankara reprend
Samedi, la CEDEAO avait déjà envoyé une délégation de plusieurs chefs des armées de la région pour rencontrer le chef de la junte, le lieutenant-colonel Damiba.
Les dirigeants de la CEDEAO se réuniront jeudi à Accra, au Ghana, pour étudier les résultats de ces deux missions et décider d’éventuelles sanctions supplémentaires contre le Burkina.
Le lieutenant-colonel Damiba ne s’est exprimé publiquement qu’une fois, dans une allocution jeudi soir à la télévision nationale, affirmant que son pays avait « plus que jamais besoin de ses partenaires » internationaux.
Lundi, l’armée burkinabè a annoncé avoir tué 163 jihadistes au cours de manœuvres du 15 au 23 janvier avec la force française Barkhane. Un soldat burkinabè a été tué dans cette opération baptisée « Laabingol », « Nettoyer » en langue peule.
Dimanche soir, l’état-major français avait annoncé un bilan de 60 jihadistes tués dans cette opération.
Le Burkina Faso, qui abrite des forces spéciales françaises, est un allié majeur de Paris dans la lutte antijihadiste.
Lundi, à la reprise du procès des assassins présumés de l’ex-président Thomas Sankara (1983-1987) et de 12 de ses compagnons en 1987 – interrompu par le putsch -, le tribunal militaire de Ouagadougou avait décidé de le suspendre jusqu’au « rétablissement de la Constitution », ce qui vient d’être fait. Il reprendra mercredi, a annoncé le tribunal.
Dans le sillage du Mali et du Niger, le Burkina Faso est pris depuis près de sept ans dans une spirale de violences attribuées à des mouvements jihadistes, affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique, qui ont fait plus de 2.000 morts dans le pays et contraint au moins 1,5 million de personnes à fuir leurs foyers.
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