Sport

La déroute des «mercenaires» sénégalais aux Jeux Olympiques de Tokyo 2021

La flamme olympique 2021 s’est éteinte depuis dimanche dernier à Tokyo. Sur le plan sportif, le Sénégal a fait chou blanc puisqu’il n’a gagné aucune médaille. Les mauvaises langues, quant à elles, prétendent que notre pays a remporté la médaille d’or du saut en hauteur… budgétaire (800 millions de francs CFA environ pour une délégation de huit athlètes !).

Pour mieux cerner les dérives de cette grosse désillusion de l’histoire des participations du Sénégal aux Jeux olympiques depuis 1964, il nous plait de vous relayer cette thèse. Une thèse anecdotique qu’un ancien Chef d’Etat major des armées (Cemga) nous avait confiée lorsque nous nous étions étonnés de voir que de nombreux jeunes étrangers (guinéens, maliens, gambiens etc.) nés au Sénégal et vivant parmi voulaient toujours s’enrôler dans l’Armée.

Une Armée sénégalaise qu’ils admirent beaucoup pour son prestige, sa discipline et son professionnalisme. Hélas, faute de certificats de nationalité, ces chers jeunes hôtes étrangers n’arrivent pas à être de valeureux « Jambaars ». C’est ainsi qu’un projet de grand dossier intitulé « Demain, la Légion étrangère ? » nous avait frôlé l’esprit. Nous nous demandions en effet si, à l’image de la fameuse Légion étrangère française, notre pays ne pourrait pas disposer d’un corps composé uniquement de jeunes d’autres pays africains.

A cet effet, nous avions soumis ce projet à un notre Cemga d’alors pour qu’il instruise la Dirpa de nous faciliter le travail. Alors que nous n’avions pas encore fini de dérouler les grands axes de notre dossier, l’officier-général nous avait répondu ceci : « Demain, la Légion étrangère sénégalaise ? Ça pouvait être un très bon sujet de réflexions ! Dans la forme, c’est bien…Mais dans le fond, « Le Témoin » aurait du mal à convaincre les observateurs ou experts militaires avertis car une Légion étrangère n’a jamais gagné une guerre ! Allez visiter l’histoire des guerres au monde, vous ne verrez aucune Légion étrangère qui a gagné une guerre » nous avait dit, avec beaucoup d’humour, ce général histoire de nous pousser à mettre une croix sur ce projet fut-il un sujet de réflexions.

Il est vrai que comparaison n’est pas raison. Mais en parlant de « Légion étrangère », nous ne pouvons nous empêcher de penser aux binationaux du monde sportif. Sous d’autres cieux, on les surnomme les « mercenaires » du sport dont la plupart partent évoluer dans des clubs peu médiatisés et souvent de faible niveau pour des raisons économiques. Dans le lot, on retrouve des binationaux sénégalais comme d’autres pays.

Et dès l’appel à casting olympique, ils se précipitent pour venir marcher, courir, sauter, lancer et grimper sous les couleurs du Sénégal. Certes, rien que d’avoir choisi de concourir pour le Sénégal constitue une preuve de patriotisme. Et nous tenons à remercier tous ces binationaux pour leurs services ou « déplacements » rendus à la Nation. Mais cette réponse à l’appel de la patrie ne suffit pas ! Car, les Jeux olympiques sont une compétition pour sportifs de très haut niveau qui font autant travailler la tête et le cœur que les jambes, les mains et les pieds.

Il est vrai que nos « binationaux » se sont physiquement donnés à fond pour se qualifier aux Jeux olympiques de Tokyo 2021 là où les athlètes nationaux ont lamentablement échoué. Sur les 9 athlètes, seuls 5 se sont qualifiés sur le terrain africain et les autres sont des invités voire des repêchés.

Les couleurs nationales étaient défendues par Ibrahima Diaw (tennis de table), Jean-Pierre Bourhis (canoë-kayak), Mbagnick Ndiaye (judo), Ndèye Bineta Diongue (escrime), Louis François Mendy (athlétisme), Jeanne Boutbien (natation), Steven Aimable (natation), Adama Diatta (lutte) et Chiara Costa (Tir).

Parmi ces 9, les cinq athlètes qualifiés sont tous des binationaux c’est-à-dire des sportifs « étrangers » qui évoluent en temps normal sous d’autres cieux, loin des pistes et ateliers sénégalais quasi-inexistants. Une prépondérance des binationaux qui montre, en creux, la faillite de l’athlétisme sénégalais. Ce, malgré d’immenses moyens financiers consentis par le chef de l’Etat Macky Sall qui a certainement fermé les yeux sur la dérive budgétaire tablée à 800 millions CFA environ. Ce, rien que pour permettre au ministère des Sports de mettre nos athlètes dans de bonnes conditions de préparation et de participation. Sans oublier les multiples appuis financiers et autres bourses décrochées par le très connecté Mamadou Diagna Ndiaye, président du Comité national olympique et sportif sénégalais (Cnoss). Lequel méritait vraiment que sa délégation lui offre ne serait-ce qu’une médaille de bronze…

Jeux olympiques en…Gambie
Au finish, nos représentants ont tous été éliminés dès leur entrée en lice à Tokyo. Même pas une place de quart de finaliste aussi bien chez les athlètes binationaux enrôlés que les athlètes nationaux cooptés. Par contre, officiels et athlètes ont tous réussi la prouesse de décrocher « l’envers » de la médaille de primes. Ici, il ne s’agit de jeter la pierre de la désillusion sur qui que ce soit.

Pour autant, il n’est pas interdit de constater la grande déception des Sénégalais vis-à-vis de leur athlétisme — mais aussi du judo et du basket-ball, disciplines dans lesquelles notre pays a pendant longtemps joué les premiers rôles en Afrique — dont les cumuls de lamentables résultats ne sont jamais à la hauteur des fonds de voyage décaissés. Mais si nous avions un judoka à Tokyo, les basketteurs, eux, n’ont même pas pu se qualifier pour les JO… Ce que l’on constate également avec amertume, c’est que le sport sénégalais dans son ensemble est devenu une source d’enrichissement financier pour ses dirigeants et un réceptacle d’affairistes, de magouilleurs, de rabatteurs et de négociants tous azimuts. Et dans tous les domaines !

Nous prenons Dieu à témoin, si les Jeux olympiques de Tokyo 2021 avaient été annulés en raison de la pandémie, fédéraux et dirigeants sénégalais allaient les créer de toutes pièces… en Gambie voisine. Quitte à y déployer un bataillon sportif de mercenaires fait de bric et de broc pour s’assurer, au moins, dans le pire des cas qu’il y aura un budget à dégager et des primes à payer. Et de s’assurer également que sur les starting blocks financiers, il y aura un vrai grand départ de marchés d’équipements sportifs valant la peine d’aller jusqu’en Turquie (suivez notre regard…) pour les exécuter.

Le plus frustrant, c’est que les athlètes de retour à Dakar (même si d’autres se sont volatilisés vers leurs pays d’accueil) n’ont même pas eu la courtoisie diplomatique et l’élégance sportive de nous rendre les « lambeaux » de notre très cher drapeau national qu’on leur avait confié lorsqu’ils s’envolaient vers le pays du Soleil Levant.

Un drapeau que le peuple leur avait remis propre et intact lors de leur départ vers le Japon. Le général avait raison lorsqu’il disait qu’une légion étrangère n’a jamais gagné une guerre. Evidemment mourir pour la patrie d’autrui, c’est faire le con comme disent les militaires ! Toujours est-il que, pour ce coup-ci, une section sénégalaise de « mercenaires » sportifs n’a jamais remporté une médaille de guerre olympique. D’où la déroute de Tokyo….

Pape Ndiaye avec Le Temoin

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