Société

La Déclaration de patrimoine plombée par ses insuffisances selon un rapport commandité par le Forum Civil

La déclaration de patrimoine instaurée par le président Macky Sall en avril 2014 présente beaucoup d’insuffisances rendant inefficace son application. C’est du moins font apparaître les résultats d’une évaluation commanditée par le Forum Civil et intitulée « Rapport sur la mise en œuvre de la Déclaration de patrimoine au Sénégal » publié ce 08 décembre 2021.

Cette étude est réalisée sous la direction du Pr. Abdou Aziz Dabakh KÉBÉ, Maître de Conférences Agrégé de droit public à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Chef du Département de Droit public et Directeur du Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Ingénierie juridique et financière (CERIF), avec la participation des membres du CERIF : Dr Lamine KOTE, et Monsieur Papa Waly DIOME.

Elle a été finalisée en février 2020 et actualisée en décembre 2021. Le commanditaire, le Forum Civil, dans le cadre du projet Corruption et Redevabilité Territoriale (CRT), a apprécié la volonté du président Macky Sall de relever les défis en matière de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite. La mise en place d’instruments juridiques comme la loi du 02 avril instituant la déclaration de patrimoine visait à contenir ce fléau.

Elle ambitionnait de rendre opérationnelle la mission de prévention et de lutte contre la fraude, la corruption, les pratiques assimilées et les infractions connexes, assignée à l’Office National de lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC). « Si l’on peut favorablement apprécier l’existence d’une telle loi dans le corpus juridique sénégalais, le contexte le justifiant à suffisance, il apparait nécessaire voire urgent de procéder à son évaluation eu égard au niveau encore très élevé de la corruption que la loi sur la déclaration de patrimoine est sensée endiguer » souligne Birahim Seck, Coordonnateur du Forum Civil.

L’évaluation de la mise en œuvre de la loi sur la déclaration de patrimoine a permis de constater que cette loi présente beaucoup d’insuffisances rendant ainsi inefficace son application, selon les auteurs du rapport. Qui ont sérié les limites à différents niveaux. La première se situe au niveau du champ d’application de la loi sur la déclaration de patrimoine.

« La loi, devant combattre l’évolution injustifiée des patrimoines des autorités publiques, gage de protection du patrimoine de l’Etat, ne permet d’avoir les effets escomptés que si elle soumet toutes les autorités publiques (ou alors un nombre conséquent) à l’obligation de déclaration et prévoit un nombre important de biens devant faire l’objet de déclaration.

Il est donc nécessaire que le Sénégal assujettisse plus d’autorités à cette formalité » estiment les auteurs de l’étude. Le critère financier, la seconde limite, prévu par la loi, pour être éligible à la formalité de déclaration, est très élevé et ne permet pas d’assujettir un nombre important d’agents publics à la déclaration de patrimoine.

« Or, pour mettre efficacement en œuvre la nouvelle gestion budgétaire qui consacre l’augmentation du nombre d’ordonnateurs assujettis à l’obligation de déclarer leurs patrimoines, il faut diminuer le montant » préconisent les auteurs. Enfin, la confidentialité qui entoure le processus de la déclaration de patrimoine est « saisissante » à les en croire.

Aux termes de la loi relative à la déclaration de patrimoine, en effet, « toute personne concourant à sa mise en œuvre est astreinte au secret professionnel ». Pr Abdou Aziz Dabakh Kébé et son équipe confirment que la confidentialité à laquelle sont assujetties les personnes chargées de mettre en œuvre la déclaration de patrimoine est observable dans plusieurs pays tendant à protéger les données personnelles recueillies.

Dans ces pays aussi, tout manquement au caractère confidentiel de la déclaration de patrimoine, par divulgation ou publication quelconque ou à la sincérité de son contenu, est sanctionnée. Toutefois, les auteurs disent constater l’absence de sanctions efficaces liées au défaut de déclaration. Il s’y ajoute que, le système sénégalais de déclaration de patrimoine n’ayant pas prévu la mise à jour de la déclaration, rend impossible toute appréciation du patrimoine de l’assujetti en cours de fonction.

Afin de lutter de façon efficace contre certaines pratiques prohibées dans la gestion publique, les auteurs du rapport ont tenu à faire des recommandations. Elles portent sur un élargissement du champ d’application de la déclaration de patrimoine en augmentant le nombre d’assujettis. Une extension du patrimoine déclaré est aussi préconisée.

A en croire les auteurs de l’étude commanditée par le Forum Civil, on doit pouvoir déclarer les patrimoines du conjoint et des ascendants au 1er degré des assujettis conformément au protocole de la CEDEAO sur la lutte contre la corruption « sans préjudice d’instaurer un système de déclaration d’intérêt à l’effet de prévenir les conflits d’intérêts ».

Selon toujours Pr Abdou Aziz Dabakh Kébé et Cie, la mise en œuvre de l’injonction faite par le président de la République, lors du Conseil des ministres du 15 juillet 2020, aux ministres de déclarer leur patrimoine n’a aucun fondement légal. Les auteurs souhaitent aussi une réforme du régime juridique de la déclaration de patrimoine du président de la République.

Selon eux, une telle déclaration est une nécessité qui passe non seulement par la fixation d’un délai mais également par l’instauration d’une formalité de déclaration de patrimoine de sortie. Ils souhaitent en outre un durcissement des sanctions liées au non-respect de la formalité de déclaration. Des sanctions qui peuvent être administratives, politiques et même pénales.

El Hadj SOW

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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