Politique

La chasse au gibier Pastefien ouverte au Sénégal

Des coordonnateurs départementaux, des cadres, des sympathisants, des influenceurs proches de la mouvance « sonkiste », des enseignants et des élèves traqués et raflés par les forces de défense et de sécurité. sans compter des journalistes et un médecin !

Deux jours après son rassemblement interdit par arrêté préfectoral à Mbacké, dans la région de Diourbel, le Bureau politique national des Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Éthique et la Fraternité (Pastef – Les Patriotes) avait saisi par lettre, le dimanche 12 février 2023, la société civile pour dénoncer la persécution dont seraient victimes ses membres et partisans, sujets à des arrestations intempestives.

Une persécution en cours, selon le Bureau politique de Pastef, depuis la première déclaration de candidature à la magistrature suprême, le 16 septembre 2018, de son leader, Ousmane Sonko, ancien inspecteur des impôts et domaines radié de la fonction publique.

Aujourd’hui, à quelques mois de l’élection présidentielle du 25 février 2024 dont le chef des « Patriotes », par ailleurs chef de file de l’opposition, est l’archi favori, les militants et responsables de ce parti continuent encore de faire les frais d’une traque sans précédent. Des arrestations qui risquent de plomber l’envol de cette formation politique au moment où va débuter la révision des listes électorales. Focus sur ces comptes et mécomptes des “Patriotes”.

L’épouse de Birame Souleye Diop, l’une des premières victimes
Patricia Mariame Ngandoul est la douce moitié de l’administrateur général de Pastef, aujourd’hui député, Birame Soulèye Diop. Elle est l’une des premières victimes des vagues d’arrestations qui secouent cette formation de l’opposition.

En effet, en février 2021, à la veille des terribles évènements du mois de mars qui avaient occasionné 14 morts et près de 600 blessés, Mme Diop née Patricia Ngandoul, responsable commerciale dans une société d’intérim de la place, avait été arrêtée, placée en garde à vue et déférée au parquet suite à une plainte de l’alors tout-puissant ministre d’Etat, directeur de cabinet du président de la République, Mahmout Saleh.

Abass Fall, le responsable de Pastef à Dakar et Birame Soulèye Diop, époux de Patricia, seront d’ailleurs arrêtés, à leur tour, dans le cadre de cette même plainte pour “menaces, diffusion de fausses nouvelles et images contraires aux bonnes mœurs”. Après les violentes émeutes de mars 2021, des centaines de personnes, majoritairement des membres et sympathisants de Pastef, supposées avoir pris part à ces manifestations, ont été arrêtées par les forces de défense et de sécurité.

Accentuation de la traque
En ligne de mire du pouvoir, les membres et sympathisants de Pastef seront ainsi surveillés comme du lait sur le feu par les Fds. C’est ainsi qu’au lendemain des manifestations de la coalition Yewwi Askan Wi du 17 juin 2022, après l’élimination de la liste de titulaires de cette principale coalition de l’opposition aux élections législatives de juillet 2022, de nouvelles arrestations sont encore opérées par les policiers et les gendarmes.

Onze personnes ont été ainsi arrêtées et placées sous mandat de dépôt suite à un réquisitoire introductif du procureur de la République d’alors, Amady Diouf, qui invoquait un “projet d’atteinte à la sûreté de l’Etat». Le représentant du ministère public émettra, toujours dans le cadre de cette affaire dite des “forces spéciales” le lundi 27 juin 2022, un autre mandat d’arrêt contre huit autres personnes liées au dossier. Il s’agit de Ousseynou Seck alias Akhenaton, Aliou dit Dounkhaf, Ousmane Diouf, Yaya Cissé, Khadim Ndiaye, Awa Dia dite «Nadine» et de Babacar Ba.

Interpol avait été même mise à contribution dans cette chasse à l’homme confiée au juge d’instruction du deuxième cabinet. Outre ces inculpations pour “terrorisme”, le Bureau politique de Pastef a dénoncé par la suite les arrestations de Fadilou Keita, coordonnateur du “Nemmeeku Tour” pour délit d’opinion, de 17 militants de Pastef « sans motifs » et de 09 militants de Pastef Diourbel pour distribution de flyers aux fins de sensibilisation pour l’inscription massive des citoyens sénégalais, particulièrement les « primo-votants » sur les listes électorales.

Des coordonnateurs départementaux et responsables coupés de la base
Prévue du jeudi 06 avril au samedi 06 mai 2023, la révision exceptionnelle des listes électorales en vue du scrutin présidentiel du 25 février 2024 sur l’ensemble du territoire national et à l’étranger va se dérouler probablement sans beaucoup de responsables et membres du principal parti de l’opposition, le Pastef d’Ousmane Sonko. Des membres et responsables aujourd’hui dans les liens de la prévention.

Dans une de ses éditions, le quotidien L’Observateur indique qu’à la suite des émeutes du 16 mars 2023, 500 jeunes ont été arrêtés dont 350 déférés au parquet et 150 placés sous mandat de dépôt. Dans le lot, des coordonnateurs départementaux et membres de Pastef.

A Tivaouane, outre le coordonnateur départemental de Pastef, Madiaw Diop, cinq autres personnes de la même formation sont placées sous mandat de dépôt. Bineta Samb, professeur de français au lycée de Pambal et responsable départementale des femmes, Moustapha Lô, chargé de la communication de Pastef dans le département, Alioune Badara Mboup, coordonnateur communal du parti à Tivaouane, Idrissou Diédhiou et Habib Sy responsables de Pastef de Mboro, toujours dans le département de Tivaouane, attendent leur procès pour “troubles à l’ordre public, appel à l’insurrection et incitation à la rébellion“ renvoyé au 29 mars prochain.

A Kédougou, dans le sud-est du pays, Abdoulaye Sow, le coordonnateur départemental des “Patriotes” a été arrêté ce lundi suite à une publication sur ses comptes Facebook et WhatsApp pour “appel à l’insurrection et offense au chef de l’Etat”. Le même responsable avait dirigé la marche autorisée du 16 mars 2023 dans sa localité.

Dans le département de Guédiawaye contrôlé par l’opposition, trois membres d’envergure de Pastef ont été arrêtés lors des émeutes des 15 et 16 mars derniers. Il s’agit de Mohamed Gaye, assistant parlementaire, Moussa Bâ, ingénieur infographiste, et Lamine Mbaye, informaticien et vice-président de la massification de Pastef à Sam Notaire pour «association de malfaiteurs participation à une manifestation non déclarée, trouble à l’ordre public».

A Diourbel où la coalition Yewwi Askan wi a réalisé l’un de ses plus gros scores avec plus de 100 000 voix dans le département de Mbacké, l’un des principaux responsables de Pastef, Serigne Assane Mbacké est toujours sous mandat de dépôt.

Arrêtés en même temps que d’autres responsable du parti, le député Serigne Cheikh Thioro Mbacké, Mbaye Seck, Abdou Diop, Baye Abdou Ndiaye, Édouard Babel, Moustapha Dia, Alioune Badara Ndao, lors des manifestations qui ont suivi leur meeting interdit à Mbacké, Serigne Assane Mbacké vivrait, selon des responsables de sa formation politique, des conditions carcérales draconiennes. Et la liste est loin d’être exhaustive.

Conséquences désastreuses sur le plan politique
Les conséquences de cette vague d’arrestations dans les rangs des « patriotes » à quelques jours du début de la révision exceptionnelle des listes électorales pourraient être désastreuses sur le plan politique. En effet, outre la démobilisation au niveau de la base, faute de leaders dans les comités départementaux, ces responsables entre les mains de la justice pourraient, à l’issue de leurs procédures judiciaires respectives, être frappés, en cas de condamnation ferme à certaines peines, d’inéligibilité et de perte temporaire ou définitive de leurs droits civiques.

Et au rythme où se poursuit la chasse à l’homme dans les rangs de Pastef, Ousmane Sonko, qui ne nourrit aucun doute quant à l’issue du scrutin du 25 février 2024 qu’il se dit sûr de remporter haut la main, risque de déchanter. Lui-même, sous le coup de multiples procédures judiciaires en cours, n’échappe pas, pour le moment, à une éventuelle perte de ses droits civiques qui le rendrait… inéligible !

Amadou Ly DIOME 

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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