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Jair Bolsonaro toujours muet, mandat compliqué en vue pour Lula

Le Brésil était lundi dans l’attente anxieuse d’une reconnaissance de sa défaite par le président Jair Bolsonaro, muré dans le silence depuis l’annonce de la victoire à la présidentielle, saluée dans le monde entier, de Lula, dont le mandat s’annonce compliqué.

Après avoir perdu dimanche avec une une marge étroite (50,9%-49,1%), le chef de l’Etat en exercice – jusqu’à la passation de pouvoir au 1er janvier – s’était isolé dans sa résidence officielle d’Alvorada à Brasilia.

Il s’est rendu lundi matin au Palais du Planalto, le siège de la présidence, sans faire la moindre déclaration, a constaté un photographe de l’AFP.

Ce lourd silence, dont Lula avait dit être « inquiet » dimanche soir, rappelait à beaucoup de Brésiliens que Jair Bolsonaro avait maintes fois menacé de ne pas reconnaître le verdict des urnes s’il perdait.

Ce climat d’incertitude se reflétait dans la volatilité de la Bourse de Sao Paulo, la première place financière d’Amérique latine, qui, après avoir ouvert dans le rouge, gagnait 0,40 % à 15H30 GMT.

Le blocage d’axes routiers dans au moins 11 Etats et à Brasilia, selon la police routière, par des camionneurs bolsonaristes et autres manifestants portant souvent le t-shirt jaune et vert de la droite radicale inquiétait aussi.

Des barrages de pneus enflammés ou de véhicules étaient érigés sur des axes routiers du Mato Grosso (centre-ouest), a annoncé Concessionaria Rota Oeste, le gestionnaire d’une autoroute de cet Etat agricole qui vote Bolsonaro, mais aussi des routes du Parana et de Santa Catarina (sud), des fiefs bolsonaristes.

Une autoroute reliant les métropoles de Rio et de Sao Paulo dans le sud-est était aussi bloquée, sans qu’il soit possible de savoir si le mouvement était spontané ou coordonné par un groupe politique.

« Relations solides »
« Si le risque de manifestations à court terme est élevé, celui d’une sérieuse crise institutionnelle est très faible », estimaient toutefois les consultants d’Eurasia Group.

La victoire de Lula a été saluée dans le monde entier par une avalanche de messages de dirigeants étrangers, de Washington, Londres, Paris, Pékin, Moscou, New Delhi, Buenos Aires à la Commission européenne, dont beaucoup ont exprimé leur impatience de renouer des relations solides et productives avec Brasilia, après quatre années d’isolement diplomatique sous Jair Bolsonaro.

De nombreux dirigeants ont saisi l’occasion de rappeler à Lula à quel point le dossier de la protection de l’Amazonie, où la déforestation a battu des records depuis 2019, était prioritaire pour l’avenir de la planète.

Principal bailleur de fonds pour la protection de la plus grande forêt tropicale au monde, la Norvège a annoncé le déblocage de ses financements suspendus depuis 2019.

« Le Brésil est prêt à reprendre son leadership dans la lutte contre la crise climatique (…) Le Brésil et la planète ont besoin d’une Amazonie en vie », avait lancé Lula dimanche soir, dans son discours de victoire.

Le gouvernement de Lula devra redonner des moyens aux organismes de surveillance de la déforestation en Amazonie, très affaiblis par les coupes dans les crédits, les démembrements et l’impunité totale de toutes sortes de trafiquants.

« Pacifier le pays »
Le mandat de Lula s’annonce compliqué.

Anticipant déjà des difficultés, il avait souhaité dimanche que « le gouvernement (sortant) soit civilisé » et comprenne qu' »il est nécessaire de faire une bonne passation de pouvoir ».

Lula va devoir rassembler un Brésil malmené par quatre années de gestion tumultueuse de son prédécesseur, un pays coupé en deux par la campagne la plus polarisée et brutale de son histoire récente.

« La moitié de la population est mécontente » du résultat, note pour l’AFP Leandro Consentino, un politologue de l’Université privée Insper de Sao Paulo, 58 millions d’électeurs ayant voté Bolsonaro. « Lula va devoir pacifier le pays ».

Il « n’existe pas deux Brésil », a déclaré dimanche Lula. « Je vais gouverner pour 215 millions de Brésiliens ».

L’icône de la gauche va aussi devoir composer avec un Parlement que les élections législatives du 2 octobre ont fait pencher davantage vers la droite radicale, le Parti libéral (PL) de Jair Bolsonaro étant devenu la première formation à la Chambre des députés comme au Sénat.

Lula a réuni une coalition hétéroclite d’une dizaine de formations autour de son Parti des Travailleurs (PT) et va devoir user tous ses talents de négociateur pour gouverner au centre.

Dans les deux mois de transition, le futur président doit faire des annonces sur la composition de son gouvernement.

Lula pourrait laisser place à davantage de diversité dans son équipe : des femmes -il n’en reste plus qu’une dans le dernier gouvernement Bolsonaro- des personnes de couleur et des indigènes, dont un représentant devrait prendre la tête d’un ministère nouvellement créé des Affaires autochtones.

Autre défi de taille pour Lula : il devra financer les politiques sociales promises, mais sans la croissance économique sous ses précédents mandats (2003-2010).

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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