Après son aventure chez Jumia, la Franco-Sénégalaise est passée du côté de l’investissement en créant un fonds de capital-risque.
Comme beaucoup de femmes, Fatoumata Bâ n’aime pas se mettre en avant. Cette Franco-Sénégalaise n’a pourtant pas à rougir de son parcours jonché de succès. Dernier en date : la clôture du deuxième véhicule de son fonds Janngo Capital à hauteur de 78 millions de dollars…qui a été sursouscrit (la cible était de 60 millions).
Un petit exploit pour une société de gestion qui mise uniquement sur les start-up africaines, alors que les investisseurs institutionnels préfèrent allouer des poches à des fonds de capital-risque européens ou américains, en raison de leur maturité et de la stabilité politique des pays dans lesquels ils opèrent. C’est aussi un petit exploit pour une femme dirigeante d’un fonds, quand la majorité de ses pairs sont des hommes.
Fatoumata Bâ a déjà prouvé sa thèse avec son premier véhicule qui a investi dans 11 start up. Et surtout, Janngo, qui veut dire « demain » dans une langue d’Afrique de l’Ouest, a dépassé ses objectifs de rentabilité avec un taux de rendement interne moyen de 48 %, notamment grâce à la vente d’Expensya (notes de frais) à Medius, éditeur d’un logiciel d’automatisation des factures fournisseurs. Une autre sortie a été réalisée mais n’a pas encore été dévoilée.
Fatoumata Ba was instrumental in launching Jumia, Africa’s first unicorn! 🚀 As Jumia’s founding CMO, she shaped e-commerce across Africa, driving growth and innovation in multiple markets.
#Jumia #AfricanEcommerce #Innovation #WomenInTech #AfricaRising #africanwomen pic.twitter.com/PUuuUqK78a
— FunTimes Magazine ♚ (@FunTimesMag) October 22, 2024
« J’étais obsédée par le fait de montrer que ma thèse fonctionnait », raconte l’investisseuse, qui met l’accent sur l’entrepreneuriat féminin. A ce jour, 56 % des sociétés de son portefeuille sont dirigées par des femmes.
En Afrique subsaharienne, près de 25 % des femmes en âge de travailler se lancent dans l’entrepreneuriat contre 6 % en Europe, selon une étude de Roland Berger.
Un passage par Jumia
Avec son fonds, qui a des bureaux en France, en Côte d’Ivoire, en Tunisie et à l’île Maurice, Fatoumata Bâ s’est fixé trois grands objectifs : améliorer l’accès des Africains aux biens et services essentiels tels que les soins de santé, l’éducation ou les services financiers ; améliorer l’accès des PME africaines au marché et aux
capitaux ; et créer des emplois durables à grande échelle, en mettant l’accent sur les femmes et les jeunes.
Elle compte injecter des tickets entre 50.000 et 5 millions d’euros dans une vingtaine de start-up sur tout le continent. En plus de ses chèques, elle est entourée d’une équipe d’« operating partners », qui vient en aide aux start-up du portefeuille sur des sujets précis.
Sur les aspects techniques, les pépites peuvent aussi compter sur Emmanuel Chavane, cofondateur du fonds, qui a été directeur technique chez Jumia, surnommé l’« Amazon africain ». Fatoumata Bâ est aussi passée par la première licorne de l’histoire de l’Afrique, en montant la filiale en Côte d’Ivoire en 2013. Puis elle a pris la direction de Jumia Nigeria avant de rejoindre le comité exécutif du groupe. Après cette aventure, elle monte un « venture builder », sorte d’usine à créer des start-up, puis créée une société de gestion.
« Je voulais montrer qu’il existait un “deal flow” [flux de dossiers] et j’avais envie d’institutionnaliser mon activité », raconte-t-elle.
Même si l’écosystème africain grandit d’année en année, les fonds ne se bousculent pas au portillon.
Seulement 3 % des financements mondiaux sont alloués à des start-up africaines. « 18 % de la population est africaine, c’est une hérésie que les start-up ne soient pas autant financées », s’indigne la jeune femme, qui va enchaîner les voyages dans les jours à venir entre Singapour, Lisbonne, Marrakech et Londres pour porter ses messages.
En plus de son activité d’investisseuse à plein temps, Fatoumata Bâ est la présidente du conseil d’administration d’Auchan Retail International depuis 2021. Elle a aussi été membre du conseil d’administration de Boulanger, d’Electro Dépôt, de la banque d’affaires Southbridge ou encore membre du comité d’investissement de Creadev pour l’ Afrique (fonds d’investissement de la famille Mulliez).
Charlie Perreau
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