Ça se passe ailleurs

En Arizona, une brèche dans le mur, porte d’entrée informelle pour les migrants en quête d’asile

Comme cette famille disant fuir les violences en Colombie, des dizaines de migrants passent chaque jour par un trou dans le mur qui sépare le Mexique des Etats-Unis, à Yuma, en Arizona.

Mais pas question de filer une fois de l’autre côté: ils attendent les autorités pour se rendre.

« Nous ne voulons pas entrer illégalement, nous voulons demander l’asile », insiste le père de famille de 30 ans qui demande à rester anonyme.

Loin de certains clichés en vigueur aux Etats-Unis qui font des migrants de dangereux clandestins sans foi ni loi, le couple et ses deux enfants sont tranquillement assis à l’ombre côté américain, mangeant des bananes et buvant de l’eau qui ont été déposées là par la police aux frontières.

L’immigration divise la société américaine et sera un enjeu majeur pour le président Joe Biden lors des élections de mi-mandat à la fin de l’année.

Le sujet, potentiellement explosif, devrait aussi être au coeur des discussions entre dirigeants de la région au Sommet des Amériques qui s’est ouvert à Los Angeles lundi.

Sous la présidence de Donald Trump, les Etats-Unis avaient activé durant la pandémie un règlement sanitaire censé éviter la propagation des maladies contagieuses.

Baptisée « Title 42 », cette mesure permet d’expulser quiconque franchit la frontière terrestre avec le Mexique sans disposer d’un visa en bonne et due forme, même les demandeurs d’asile.

Mais la grande majorité des migrants qui se présentent au point de passage informel de la brèche de Yuma parvient encore à déposer une demande d’asile comme par le passé, parce qu’ils sont accompagnés d’enfants ou qu’ils encourent un danger dans leur pays d’origine.

Avion puis bus
« Nous voyons des migrants venant d’un grand nombre de pays différents », déclare à l’AFP l’agent Fidel Cabrera, de la police aux frontières des Etats-Unis.

La brèche dans le mur frontalier, un simple trou entre deux tronçons de poteaux métalliques, est l’une des raisons de cet afflux, mais d’autres facteurs sont en jeu.

« Le type de migrants que nous voyons à présent est différent » car la plupart ont les moyens de voyager par avion, dit M. Cabrera.

« Nous sommes tout près de deux aéroports internationaux, (puis) ils prennent un moyen de transport quelconque et il leur faut souvent moins d’une heure pour arriver ici », explique-t-il.

De nombreux bus sillonnent la route entre les aéroports de Mexicali ou Tijuana et la petite ville mexicaine d’Algodones, surnommée « molaire-ville » en raison des nombreux dentistes qui accueillent des Américains à la recherche de soins meilleur marché.

De la route jusqu’au mur, trente à quarante minutes de marche à travers le sable et les broussailles suffisent.

Mais avec des températures qui dépassent facilement 40°C, ce n’est pas pour autant une promenade de santé.

C’est la raison pour laquelle les policiers laissent des vivres et de l’eau à ceux qui les attendent près du mur pour être enregistrés.

A Yuma, seuls 11% des migrants qui se sont présentés d’eux-mêmes à la police des frontières depuis le mois de septembre ont été expulsés en vertu du « Title 42 ».

Les autres ne bénéficient pas automatiquement de l’asile mais ont une chance de présenter leur demande devant la justice américaine.

« Ils ne font que passer »
Le passage des migrants – déjà plus de 100.000 cette année – se fait peu remarquer à Yuma, ville tranquille plutôt réputée pour sa production de laitues, assure le maire Douglas Nicholls.

« Ils ne font que passer. Lorsque la police aux frontières les relâche, ils doivent avoir une famille d’accueil ou un endroit où aller », explique-t-il.

« Je n’ai jamais entendu dire que l’un d’eux soit resté plus d’un jour ou deux à Yuma ».

Après deux heures d’attente, le jeune père colombien est enfin en mesure de tendre son passeport à un agent américain.

La famille sera autorisée à déposer sa demande d’asile aux Etats-Unis, qui mettra vraisemblablement plusieurs années à être examinée.

Le père assure ne pas se reconnaître dans la représentation des migrants économiques vilipendés par les chaînes de télévision conservatrices américaines, qui les accusent de vouloir simplement venir profiter des emplois et des richesses des Etats-Unis.

« Personne ne part de chez lui juste parce qu’il en a envie. Si vous partez, c’est que vous êtes obligés », insiste-t-il.

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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