Soixante ans après la fin de la guerre d’Algérie, Emmanuel Macron a « demandé pardon » lundi aux harkis au nom de la France et annoncé un projet de loi de « reconnaissance et de réparation » à l’égard de ces Algériens ayant combattu aux côtés de l’armée française.
« Après la guerre d’Algérie, la France a manqué à ses devoirs envers les harkis, leurs femmes, leurs enfants », a reconnu le chef de l’Etat en s’exprimant à l’Elysée devant quelque 300 représentants de cette communauté estimée à plusieurs centaines de milliers de personnes.
« La République a contracté à leur égard une dette (…) Aux combattants abandonnés, à leurs familles qui ont subi la prison, je leur demande pardon. Nous n’oublierons pas », a-t-il ajouté, alors qu’il reste moins de 3.000 harkis vivants en France selon des estimations.
Jusqu’à présent, Emmanuel Macron s’était toujours gardé de demander pardon sur les questions mémorielles, comme le Rwanda ou les essais nucléaires dans le Pacifique. Mais, pour les harkis, il s’agissait d’un « impératif moral » pour « l’idée qu’on se fait de la France », selon un conseiller.
Six décennies plus tard, le drame des harkis reste « une plaie à vif », comme l’a montré l’émotion régnant dans la salle des fêtes de l’Elysée où, fait sans précédent, le discours du président a été interrompu par deux enfants de harkis qui l’ont interpellé vivement. « On n’a pas de passé (…) Mon coeur est blessé », lui a lancé une femme, Marguerite, la voix tremblante et les larmes aux yeux. Le président l’a ensuite serrée dans ses bras à l’issue de la cérémonie.
Mais Emmanuel Macron a aussi été applaudi lorsqu’il a annoncé la présentation « avant la fin de l’année d’un projet visant à inscrire dans le marbre de nos lois la reconnaissance et la réparation à l’égard des harkis ».
Réclamée avec force par les associations, cette loi, qui devrait être votée avant la fin de la session parlementaire en février 2022, visera à mettre en place une commission nationale qui estimera notamment les demandes de réparation des anciens combattants et de leurs enfants et petits-enfants qui vivent dans la précarité.
Le Président n’a fait aucune évaluation du montant global de ce soutien, qui viendra s’ajouter aux 40 millions d’euros débloqués en 2018 sur quatre ans dans le cadre du « plan harkis » présenté par la secrétaire d’Etat aux Armées Geneviève Darrieussecq.
« Historique »
Cette loi « est un pas historique », a réagi Dalila Kerchouche, fille de harki et réalisatrice, en jugeant que, « pour la première fois, un président avait compris la gravité du drame des harkis », qui « ont été trahis par l’Etat français ».
Cette loi « n’aura pas vocation » à établir la vérité historique, a toutefois affirmé Emmanuel Macron, en précisant que ce n’était pas son « rôle » de juger « les dirigeants de l’époque », qui revient aux historiens.
En 2016, François Hollande avait déjà reconnu « les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des harkis ».
Jusqu’à 200.000 harkis avaient été recrutés comme auxiliaires de l’armée française pendant le conflit qui opposa de 1954 à 1962 des nationalistes algériens à la France.
A son issue, une partie d’entre eux, abandonnés par Paris, ont été victimes de représailles en Algérie. Tandis que plusieurs dizaines de milliers d’autres, souvent accompagnés de femmes et d’enfants, étaient transférés en France, où ils ont été placés dans des « camps de transit et de reclassement » aux conditions de vie indignes et durablement traumatisantes.
Après avoir pris différentes initiatives liées à la guerre d’Algérie (sur Maurice Audin, l’ouverture des archives ou l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel…), Emmanuel Macron entend encore participer à deux journées mémorielles d’ici à la fin du quinquennat: la répression par la police française d’une manifestation d’Algériens à Paris le 17 octobre 1961, et la signature des accords d’Evian le 18 mars 1962 qui ont consacré la défaite française en Algérie.
Autant de rendez-vous politiquement sensibles à l’approche de la présidentielle d’avril 2022, alors que les harkis représentent un électorat traditionnellement courtisé par le Rassemblement national et la droite.
« Même si l’arrière-pensée électorale est évidente, il faut saluer la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat français dans l’abandon des harkis », a réagi le sénateur LR Bruno Retailleau tandis que le député LR Julien Aubert, actif sur ce dossier, soulignait un « geste fort et attendu » qui ne doit pas rester « lettre morte ».
Pour Marine Le Pen, « la générosité électorale d’Emmanuel Macron ne réparera pas des décennies de mépris ».
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