On le sait, l’émigration dite clandestine n’est plus si clandestine que ça ! Non seulement on ne se cache plus mais il n’est pas rare de voir une famille décider du départ d’un de ses membres pour tenter sa (mal)chance. On est donc passé des décisions individuelles à des décisions collectives et planifiées.
De ce point de vue, ceux qui partent ne sont plus des clandestins mais incarnent le destin du clan.
Réussir ou Périr, est-ce un dilemme qui a sa raison d’être ?
Le choix de partir est devenu le résultat d’un calcul économique à l’échelle du ménage. Une bonne analyse économique du phénomène nécessite des chiffres précis sur le nombre de personnes qui tentent de partir, mais en même temps ces chiffres peuvent conduire à des analyses fallacieuses soit par le doute sur leur fiabilité, soit parce qu’on risque de les rapporter à d’autres grandeurs pour les rendre négligeables, alors que la vérité c’est qu’un seul jeune qui meurt dans la mer en tentant de sortir du pays mérite qu’on s’arrête sur son cas.
C’est pourquoi l’économiste Kalecki (qui a inspiré Keynes, dans une large mesure) disait qu’un économiste peut commettre deux erreurs : la première consiste à ne pas calculer, la seconde est de croire à ce qu’il a calculé.
Le point de vue sur les raisons du départ en masse de ces jeunes peut dépendre de là où on se situe. C’est comme le débat sur la surcharge dans les transports en commun; celui qui est seul dans sa bagnole, n’a pas le même point de vue sur la question que celui qui a longtemps attendu à l’arrêt avant de voir enfin, un bus rempli passer devant lui sans être sûr qu’il y en aura un autre rapidement !
Ce qui est constant, c’est que ceux partent dans ces conditions déplorables espèrent vivre mieux de l’autre côté de la mer.
Effet de substitution et effet revenu
La hausse de la demande d’un bien ou d’un service (ici le voyage par pirogue) est le résultat de deux effets combinés : l’effet de substitution et et l’effet revenu.
L’effet de substitution est lié à la baisse du prix relatif du voyage du fait que l’inflation notée depuis 3 ans a fini de durcir les conditions de vie et a compromis la consommation future de biens et services pour beaucoup de jeunes . Donc partir devient moins coûteux que rester.
L’effet revenu, quant à lui, est lié à la baisse du pouvoir d’achat résultant de cette inflation qui perdure et des difficultés d’insertion qui ont été exacerbées d’une part par la réduction des marges de manœuvre budgétaires de l’Etat et, d’autre part, par les difficultés du secteur privé à assurer un décollage effectif, conforme à ses ambitions.
Pr Abou KANE – FASEG/UCAD
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