Au plus fort de la pandémie de Covid-19, les joueurs de Scrabble du Sénégal ont dû se contenter de compétitions en ligne pour garder la main. Mais depuis quelques semaines, ils ont pu rompre avec le « virtuel » et se retrouvent à nouveau pour des face-à-face conviviaux et passionnés.
Ce samedi matin de la fin juin, ils sont même plus nombreux que prévu à rallier l’esplanade du lycée de Bambilor, à une quarantaine de kilomètres de Dakar.
« Il faut chercher d’autres plateaux », lance, un soupçon de panique dans la voix, le président de la fédération sénégalaise de Scrabble, Malick Diagne.
Il avait prévu 15 plateaux, pour les 30 joueurs inscrits, mais ils sont finalement 52, dont la plupart se sont déjà rencontrés en ligne, à participer aux retrouvailles dans le monde réel.
« Wesh », « wads », « ska », « fol »… pendant une dizaine d’heures, ils vont tenter de vaincre l’adversaire en alignant des mots sur les 225 cases du célèbre jeu de société, né dans les années 1930.
« Avec la pandémie, le Scrabble était dans l’eau. Il n’a pu survivre que grâce aux clubs virtuels », souligne dans un bref discours avant le lancement des hostilités le doyen des « scrabbleurs » au Sénégal, Madické Fall, 65 ans, dont 40 ans de jeu.
Palmarès fourni
Alors que le nombre de contaminations a recommencé à grimper au Sénégal depuis la fin mai, faisant planer de nouveaux nuages sur la pratique de ce sport de l’esprit, la fédération sénégalaise, créée dans les années 1980, entend perpétuer une longue tradition auréolée de prestigieux prix internationaux.
Le pays francophone d’Afrique de l’Ouest compte quelques grands noms du Scrabble, dont Ndongo Samba Sylla, champion du monde dans la catégorie blitz (rapide) en 2002 et triple champion du monde par paire (2000, 2007 et 2016).
Le Sénégal a été plusieurs fois champion d’Afrique de Scrabble francophone par équipe. Il vient de terminer quatrième de la compétition continentale, derrière le Cameroun, champion lors de l’édition 2021 qui s’est déroulée en mai à Dakar.
« Le Scrabble me permet de mieux apprendre le français et de mieux m’exprimer, car en famille ou entre amis, au Sénégal, on s’exprime surtout en wolof », explique l’un des compétiteurs, Ahmed Kane, en sirotant un thé sucré à l’ombre des arbres bordant le lycée de Bambilor.
Ce commerçant dakarois, qui a remporté des tournois en ligne organisés par des clubs virtuels comme « Pour les passionnés », « Go-mania » ou « Cosa nostra Scrabble », franchit cette fois plusieurs tours, mais est sorti en quart de finale.
« Le jeu en présentiel est plus difficile », estime Malick Diagne, car contrairement aux tournois en ligne, il n’est pas possible de s’aider d’un dictionnaire ou d’un ordinateur.
Petite enveloppe
Seule femme à prendre part au tournoi, Fatoumata Diallo, 27 ans, est quant à elle surtout venue pour apprendre en se frottant aux « professionnels », dit-elle.
Le vainqueur du jour s’appelle Cheikh Anta Dianka. Avec 463 points, il bat largement son adversaire en finale (422 points), après avoir vaincu lors d’un tour précédant l’actuel champion du Sénégal de scrabble classique, Mohammed Niang. Ses lots: un trophée, un dictionnaires et une modeste enveloppe.
« Le Scrabble ne rapporte presque rien », concède Mohammed Sy, qui participait à un tournoi en « duplicate » (chaque participant est seul devant son plateau et bénéficie du même tirage de lettres de l’ordinateur que les autres) organisé la semaine suivante à l’école primaire de Guédiawaye, dans la banlieue de la capitale.
« Parfois, ma femme se moque de moi et dit préférer la pêche au Scrabble, car au moins un pêcheur ramène du poisson à la maison, tandis que moi rien du tout », dit en souriant le quadragénaire. A défaut d’intéresser son épouse, il a décidé d’initier au Scrabble sa fille de 17 ans, Issakha Marie Nguyen Diallo.
Laisser un commentaire