La réintégration dans le fichier électoral du leader de l’ex parti-Pastef dissout est conforme aux dispositions du Code électoral. L’avis est de l’expert électoral, Djibril Gningue, membre du Gradec et Directeur de la Plateforme des acteurs de la Société civile pour la transparence des élections (Pacte).
Cet est avis est aussi partagé par Ndiaga Sylla, Expert électoral, Directeur du cabinet CEELECT. Interpellés par Sud Quotidien, ces experts électoraux membres de la société civile livrent les contours et les conséquences de cette décision sur le processus électoral en cours marqué par les opérations de collecte des parrainages.
« La radiation de Monsieur Ousmane Sonko des listes électorales était totalement prématurée et donc illégale » DJIBRIL GNINGUE DU GRADEC, EXPERT ELECTORAL
« Du point de vue des dispositions du Code électoral, la décision rendue par le tribunal d’instance de Ziguinchor dans l’affaire de la radiation de Monsieur Ousmane Sonko des listes électorales est à mon avis une décision tout à fait conforme. Car comme, j’ai déjà eu l’occasion de le dire, aux termes des dispositions de la loi électorale, les décisions de justice ayant une incidence sur le processus électoral ne valent que lorsqu’elles sont définitives.
Or, dans les différentes procédures dans lesquelles Monsieur Ousmane Sonko fait l’objet de poursuites ou de condamnation, il n y a encore aucune décision définitive. Par voie de conséquence, sa radiation des listes électorales était totalement prématurée et donc illégale et ceci même au cas où les condamnations dont il fait l’objet étaient des condamnations privatives des droits civils et politiques en matière électorale.
Concernant le recours annoncé par les avocats de l’Etat, c’est également conforme puisque le Code électoral dispose en son article L.44 que « La décision du président du tribunal d’instance est rendue en dernier ressort. Elle peut être déférée en cassation devant la Cour suprême conformément aux dispositions de la loi organique sur ladite cour ».
Sur le recours de l’Etat, il ne s’agira pas de reprendre le procès au niveau de la Cour suprême !
« Maintenant, s’agissant du temps que la formation et le traitement de ce recours pourrait prendre, il faut savoir que les avocats de l’Etat « disposent de dix (10) jours à compter de la notification de la décision du tribunal d’instance » ( L.45) du Code électoral tandis que « la partie adverse aura un délai de huit (8) jours à compter de la notification pour produire sa défense au greffe du tribunal d’instance » (L.47/1)) du Code électoral.
A l’issue de la formulation du recours des avocats de l’Etat et de la formation par la partie adverse de sa défense, «le greffier du tribunal d’instance adresse la requête accompagnée de toutes les autres pièces fournies par les parties au greffe de la Cour suprême » (L.47/2) du Code électoral. A partir de ce moment, le Code électoral dispose en son article L. 47/3 que « la Cour suprême porte aussitôt l’affaire à l’audience et statue sans délai ».
En conclusion, ce qu’il faut retenir, c’est que la décision du juge du tribunal de Ziguinchor étant rendue en dernier ressort, il ne s’agira pas de reprendre le procès au niveau de la Cour suprême. Mais, il s’agira plutôt d’examiner la conformité de la décision à la règle de droit. Si tel est le cas, la décision du tribunal d’instance est confirmée par la Cour suprême, elle notifie la décision à l’autorité électorale qui procède immédiatement à la réintégration de Ousmane Sonko sur les listes électorales. Ce qui lui permet de facto de recevoir les fiches de parrainage et de préparer le dépôt de sa déclaration de candidature au Conseil constitutionnel »
« La décision du Tribunal d’Instance de Ziguinchor me semble à la fois logique et conforme » NDIAGA SYLLA DU CEELECT, EXPERT ÉLECTORAL
« La décision rendue par le président du Tribunal d’Instance de Ziguinchor me semble à la fois logique et conforme non seulement au code électoral mais aussi à la loi n° 2021-21 du 02 mars 2021 fixant les règles d’applicabilité des lois, des actes administratifs à caractère réglementaire et des actes administratifs à caractère individuel.
En vérité, ce qu’il y a lieu de comprendre dans ce contentieux est que l’administration a commencé à exécuter une décision sans l’avoir au préalable notifiée en méconnaissance de l’article L41 du code électoral et de l’article 12 de la loi n° 2021-21 qui dispose : « Sauf exception prévue par la loi et sous réserve de dispositions contraires, les actes administratifs à caractère individuel, quelles qu’en soient la forme et l’origine, deviennent exécutoires dès leur notification. Ils ne sont opposables aux tiers que du jour où ceux-ci en ont pris officiellement connaissance. »
S’agissant de la récusation du juge initiée par l’Agent judiciaire de l’Etat, il convient de relever que les causes et procédures de récusation sont bien encadrées par l’article 222 et suivants du code de procédure civile que le juge de Ziguinchor ne saurait ignorer. Donc, l’audience s’étant déroulée et l’ordonnance rendue, j’en conclus que le coup est déjà parti et le dossier clos à ce niveau de juridiction sauf si la récusation est admise en application des dispositions de l’article 233 de la loi susvisée ».
« L’ordonnance de la réinscription de O. Sonko sur la liste électorale de la commune de Ziguinchor sera exécutoire dès sa notification au plus tard ce lundi 16 octobre 2023 »
« Après avoir pris une décision inédite de récuser le juge de Ziguinchor tout en contestant sa compétence en confondant les listes électorales au fichier électoral, il a aussi annoncé un pourvoi en cassation contre la décision rendue dans le cadre du contentieux sur la révision des listes électorales.
Permettez-moi de rappeler que les articles L.34 et L35 du code électoral visent les listes électorales des communes. De plus, en application de L.43, « tout électeur inscrit sur la liste électorale de la commune peut réclamer, dans les même conditions, l’inscription d’un électeur omis ou la radiation d’un électeur indûment inscrit. Le même doit appartient à l’autorité administrative compétente.
Le Président du Tribunal d’Instance, saisi dans les formes décrites à l’alinéa 2 du présent article, statue dans les délais fixés à l’alinéa 3 de l’article L.39 puis notifie sa décision dans les deux jours à l’intéressé, au préfet et au sous-préfet ». De ce point de vue, l’administration peut former un pourvoi même si c’est inhabituel pour ce type de contentieux.
Toutefois, le recours en matière électorale n’est pas suspensif à l’exception des litiges relatifs aux élections départementales et municipales en vertu de l’article 74 -2 de la loi organique n°2017-09 sur la Cour Suprême. En conséquence, l’ordonnance de la réinscription de O. Sonko sur la liste électorale de la commune de Ziguinchor sera exécutoire dès sa notification au plus tard ce lundi 16 octobre 2023.
Ainsi le mandataire muni de la décision pourra se présenter à la DGE pour récupérer les fiches de parrainage. A la lumière du système de parrainage non détachable de la candidature, il serait judicieux d’envisager d’étendre les compétences du Conseil constitutionnel à statuer sur les actes préparatoires à l’élection présidentielle ».
NANDO CABRAL GOMIS
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