Lever les brevets pour permettre à l’Afrique de fabriquer ses propres vaccins: la communauté internationale réunie à Paris a promis d’aider le continent sur le plan sanitaire, mais sans prendre d’engagement financier ferme pour des économies asphyxiées.
« Nous soutenons les transferts de technologie et un travail qui a été demandé à l’Organisation mondiale de la santé, l’Organisation mondiale du commerce et au Medicines Patent Pool (soutenu par l’ONU, NDLR) de lever toutes les contraintes en termes de propriété intellectuelle qui bloquent la production de quelque type de vaccins que ce soit », a déclaré le président français devant la presse à l’issue de la conférence.
Celle-ci a réuni une trentaine de dirigeants africains et européens, ainsi que les grandes organisations économiques internationales.
Emmanuel Macron a souligné que les participants avaient décidé une « initiative très forte pour produire massivement des vaccins en Afrique », avec en particulier des « financements de la Banque mondiale ».
Etant donné le temps nécessaire pour lancer ces productions, Emmanuel Macron a expliqué qu’à court terme les participants au sommet avaient convenus de « pousser l’ambition de Covax (organisation de distribution de vaccins aux pays pauvres) de 20% à 40% de personnes vaccinées en Afrique ».
Le président sénégalais Macky Sall a relevé que les campagnes de vaccination menées tambour battant dans les pays industrialisés ne garantissent « absolument pas la sécurité sanitaire ».
Variants
Il a mis en garde contre le risque de développement en Afrique de « variants extrêmement résistants ».
Le président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, qui assure la présidence tournante de l’Union africaine, a lui souligné que l’enjeu était aussi de convaincre les populations, en contrant le « travail de sape des réseaux sociaux qui ont diabolisé la vaccination ».
L’Afrique fait figure de continent relativement épargné sur le plan sanitaire, avec 130.000 morts du Covid-19, selon les chiffres officiels, sur un total mondial de près de 3,4 millions.
Mais elle paye un très lourd tribut économique et social, faute d’avoir pu comme les pays les plus riches lancer de pharaoniques plans de relance.
Selon le FMI, il manque près de 300 milliards de dollars à un continent qui a besoin d’investir massivement pour enrayer la pauvreté, développer les infrastructures, affronter le changement climatique et la menace jihadiste.
Sur ce plan financier, les participants au sommet n’ont pas annoncé d’engagement ferme, mais promis d’engager des dicussions autour des « Droits de tirage spéciaux » du Fonds monétaire international.
Equivalent à une planche à billets du FMI, ces actifs monétaires peuvent être convertis en devises et dépensés, sans créer de dette.
La communauté internationale s’est déjà accordée sur le principe d’une émission globale de DTS de 650 milliards de dollars, dont 33 milliards doivent revenir mécaniquement à l’Afrique, par le jeu des quotes-parts au sein de l’institution de Washington.
« C’est trop peu », a asséné le président français, qui appelle les pays riches à allouer aux pays africains une bonne partie de leurs DTS, comme s’engage à le faire la France, pour atteindre un total de 100 milliards de dollars.
Evoquant « un gros travail technique à faire », Emmanuel Macron a dit espérer un « accord politique » au sujet des DTS soit au prochain sommet du G7, soit à celui du G20, soit entre juin et octobre.
Convaincre Washington
Il s’agira surtout de convaincre les Etats-Unis. La secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen s’est déclarée favorable à une redistribition des DTS dans un communiqué, sous réserve que l’usage des fonds soit « transparent et responsable ».
La France souhaite par ailleurs ouvrir la discussion sur une mobilisation des réserves d’or du FMI.
Autre sujet de discussions: la dette des pays africains, qui explose depuis la pandémie. Si un moratoire a permis de donner un peu d’air aux pays les plus endettés, la prochaine étape consisterait à effacer une partie des créances, dans une démarche coordonnée, sous l’égide du G20.
Les dirigeants africains ont eux insisté sur la nécessité de soutenir aussi le secteur privé africain, et de sortir d’une logique d’assistance publique internationale conditionnée à de dures réformes.
Macky Sall a en particulier dénoncé le cadre « convenu » des contraintes budgétaires imposées aux pays africains, qui brident leur capacité d’investissement.
Et appelé à passer d’une logique d’assistance à une dynamique de « co-construction » entre le continent et le reste de la communauté internationale.
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