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Des ponts salvateurs et un mur d’incompréhension – Par Nioxor Tine

Quand les heures deviendront rudes…,tel un pont enjambant l’eau trouble, je m’allongerai …/Bridge over troubled water (Simon & Garfunkel)

Contrairement aux apparences, notre pays n’est pas en train d’emprunter la dernière ligne droite devant mener aux présidentielles de février 2024. Il semble plutôt s’acheminer subrepticement vers des zones d’ombres, liées certes, en partie, à l’absence de clarté sur les perspectives politiques à court et moyen terme, mais aussi et surtout en référence au sens originel et géologique du terme qui renvoie au grand séisme socio-politique, qui nous guette.

De fait, plusieurs entreprises de diversion sont mises en œuvre pour gêner la perception des variations du champ politique et des secousses annonciatrices d’une déflagration en gestation.

DES PONTS ENJAMBANT L’EAU TROUBLE
Il en est ainsi de ces conseils ministériels décentralisés, grandes messes politiques qui ne sont rien d’autre que des manifestations d’une pré-campagne électorale.

On ne peut que se féliciter du fait que le président Macky Sall ait baptisé le pont de Marsassoum du nom de Famara Ibrahima Sagna, de la même façon qu’il avait donné, il y a quelques semaines, le nom du célèbre écrivain Cheikh Hamidou Kane à l’Université Virtuelle du Sénégal.

Il s’agit d’actes forts contribuant à honorer des personnalités remarquables de notre pays, qui au sein de la mouvance socialiste d’alors, se sont toujours distingués par leur esprit de tolérance et d’ouverture, qui a pu leur faire jouer des rôles de médiations sociale et politique rappelant la démarche d’un Kéba Mbaye, figure de proue de la démocratie électorale dans notre pays.

À l’instar d’Amadou Moctar Mbow, dont le travail colossal n’a malheureusement pas encore bénéficié de la reconnaissance qu’il mérite, Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily de vieux bolcheviks ayant troqué le couteau (entre les dents) contre le rameau d’olivier, sont devenus des champions de la paix civile.

Avec Alioune Tine et les autres organisations de la société civile, qui tiennent haut le flambeau de la défense de la Démocratie et de l’État de droit, toutes ces personnalités ont, à un moment ou à un autre, constitué, eux aussi, des ponts au-dessus des eaux troubles de la gouvernance wadiste.

LES SOLUTIONS INSTITUTIONNELLES JETÉES AUX ORTIES
Après la survenue de la deuxième alternance de 2012, les ruptures attendues ne se sont pas produites.

Pire, il y a eu les reniements retentissants sur l’application des conclusions des Assises Nationales et des recommandations de la C.N.R.I ainsi que la mise en scène, avec la complicité de la « magistrature bananière », pour faire capoter la promesse de réduction de deux ans du septennat.

Ensuite, toujours avec l’aide de juges véreux, on a assisté à l’éviction de plus d’une vingtaine de concurrents politiques au moyen de mécanismes divers (tripatouillage de la constitution, manipulation de la loi électorale, parrainage, instrumentalisation des procédures judiciaires …).

Tant et si bien, qu’au lendemain du hold-up électoral de février 2019, source de réchauffement du climat politique, il a encore une fois fallu faire appel à de vénérables sages à savoir feu le général Mamadou Niang (Que Dieu l’agrée dans son paradis) et surtout, l’ancien Président du Conseil Économique et sociale qui vient d’être justement honoré par la République.

Tout cela ne doit pas nous faire oublier que le dialogue national, dont il avait la charge s’est terminé en queue de poisson, faute d’appui de la part des pouvoirs publics et parce qu’il est maintenant avéré que le régime apériste ne montre aucune prédisposition pour des approches inclusives et de de dialogue politique.

Depuis lors, le peuple sénégalais a assisté à un durcissement de la gouvernance du président Sall, qui frise l’autocratie avec une judiciarisation outrancière de la vie politique se traduisant par une multiplication d’arrestations arbitraires et l’organisation délibérée de l’inéligibilité des ténors politiques de l’Opposition.

UN MUR D’INCOMPRÉHENSION
La tension politique, qui règne actuellement dans notre pays, résulte précisément de l’érection par le Président de la Coalition Benno Bokk Yakaar d’un mur d’incompréhension sur les gestes équivoques, qu’il pose ou ne pose pas.

Il refuse de stopper net les cris d’orfraie de certains de ses partisans, parmi les plus susceptibles d’être compromis dans des scandales politico-judiciaires, appelant à sa candidature pour un troisième mandat malhonnêtement dénommé deuxième quinquennat. Il faut dire que le flou qu’il entretient sur sa possible candidature en 2024 et son refus d’enclencher au niveau de son parti et de sa coalition la dynamique salutaire devant conduire au choix d’un dauphin ne sont pas pour apaiser le climat socio-politique.

Mais les politiciens de la majorité doivent se convaincre que le contexte politique a radicalement changé. En 2019, le président pouvait compter sur une solide méga-coalition soudée par la perspective de prolonger les délices du pouvoir durant un second mandat de cinq ans et d’un atout de taille, à savoir la mythique prime au sortant.

Actuellement, chacun des opérateurs de la coalition présidentielle a fini de concocter son propre « business plan », tout en essayant de profiter du nectar du pouvoir jusqu’à la dernière goutte.

Certains évoquent à mots couverts leurs ambitions présidentielles remontant à des lustres. D’autres font semblant de se remémorer que dans un passé plus ou moins lointain, ils faisaient partie d’une famille politique dénommée gauche et qu’ils avaient pris une disponibilité de 12 ans pour se positionner, comme le dirait un ami espagnol, à l’extrême centre, au nom des progrès partagés avec leurs amis néo-libéraux.

Certes, le régime de Macky Sall a construit plusieurs ponts et développé le réseau routier, dans la continuité du projet sectoriel des transports (PST2), entré en vigueur en 2000.

Mais loin de mener une politique apaisée qui préserve la Nation contre les périls internes et externeS, qui la menacent, il adopte plutôt une démarche clivante, qui menace la stabilité et la cohésion nationales.

C’est bien d’inviter le MFDC à enterrer la hache de guerre ! Encore faudrait-il que les nervis infiltrés au sein des forces de défense et de sécurité s’abstiennent de faire des contrôles au faciès, en demandant aux jeunes manifestants de l’Opposition leur origine ethnique.

De même, le peuple sénégalais préfèrerait qu’on soutienne et qu’on s’approprie les initiatives et démarches positives de nos Aînés, qu’il s’agisse des Assises nationales, du dialogue national, de la bataille culturelle plutôt que d’en faire des parrains faire-valoir de politiques, qui ne sauraient les engager.

NIOXOR TINE

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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