Des dizaines de milliers de manifestants hostiles au pouvoir militaire ont de nouveau essuyé des tirs des grenades lacrymogènes samedi au Soudan, où les autorités avaient coupé les communications après deux mois de putsch et d’une répression qui a fait 48 morts.
La foule, parvenue aux portes du palais présidentiel de Khartoum où siègent les autorités de transition chapeautées par le général Abdel Fattah al-Burhane, auteur du coup d’Etat du 25 octobre, se dispersait en début de soirée sous les coups de charges policières.
Un journaliste de l’AFP a vu des blessés évacués par des manifestants, tandis que le syndicat de médecins pro-démocratie, qui recense les victimes de la répression depuis 2018, a rapporté que les forces de sécurité avaient tiré des grenades lacrymogènes jusque dans les hôpitaux, s’en prenant aux médecins comme aux blessés.
Les heurts les plus violents ont eu lieu aux abords des ponts reliant ses banlieues à Khartoum, barrés par les forces de l’ordre dont les grues avaient dès l’aube déposé des containers en travers des ouvrages. Des pillages et des violences ont eu lieu près de l’ancienne base logistique des Nations unies d’El Fasher, transférée aux autorités locales mardi, selon un communiqué de l’ONU qui a condamné les faits.
«Ce nouvel incident et les dégâts sont une tragédie pour les communautés soudanaises qui bénéficiaient d’importantes quantités d’équipements et d’approvisionnements offerts par les Nations Unies pour l’usage civil», a déclaré Farhan Haq, porte-parole adjoint du secrétaire général. Du personnel de l’ancienne mission de maintien de la paix au Darfour, Unamid, demeure et «sa sécurité reste à présent une préoccupation primordiale», a souligné l’ONU, sachant qu’elle doit être assurée par les autorités du Soudan.
Tôt le matin, l’internet mobile et les communications téléphoniques avaient été coupés. Malgré cet isolement imposé qui faisait redouter un nouveau déchaînement de violences, ils étaient de nouveau des dizaines de milliers à manifester sous une nuée de drapeaux soudanais et les youyous de manifestantes.
Des cortèges ont défilé à Khartoum, dans ses banlieues, mais aussi à Madani, à 150 kilomètres au sud de la capitale, à Atbara (nord) et à Port-Soudan (est), selon des témoins.
«Choisir notre Soudan»
«Nous n’arrêterons pas de manifester jusqu’à ce que nous ayons un gouvernement civil, le peuple est dans la rue pour dire que c’est lui qui décide», martèle une jeune manifestante. Non loin de là, également aux abords du palais présidentiel, Othmane Moustafa, 31 ans, dit vouloir «plus que dégager les militaires».
«On veut choisir notre Soudan: un Soudan qui nous ressemble, qui réponde à nos demandes et donne des droits à tous équitablement», explique-t-il.
Il y a moins d’une semaine déjà, pour le troisième anniversaire du lancement de la «révolution» de 2018 qui força l’armée à mettre fin à 30 ans de dictature militaro-islamiste d’Omar el-Béchir, les partisans d’un pouvoir civil avaient montré qu’ils pouvaient encore mobiliser.
Ce jour-là, les forces de sécurité avaient tiré à balles réelles, faisant pleuvoir des grenades lacrymogènes sur les centaines de milliers d’entre ceux sortis dans la rue et même recouru, selon l’ONU, à une arme déjà utilisée au Darfour en guerre: le viol. Samedi, les autorités se sont aussi servies d’un autre outil de taille: comme durant près d’un mois après le putsch, elles ont coupé les Soudanais du monde.
Laisser un commentaire