L’avènement du variant delta, virus très contagieux, dans notre pays, a révélé au grand jour les insuffisances et manquements de la gestion de la COVID-19, que certains observateurs n’avaient cessé de souligner, depuis mars 2020. Cette exacerbation de la crise sanitaire survient dans un contexte préélectoral avec un ministre de la santé ayant des visées sur la Ville de Dakar et un président, n’ayant pas encore renoncé à une candidature illégale à un troisième mandat.
DES CRITIQUES OBJECTIVES DE LA GESTION DE LA PANDÉMIE
Il a été fait état, en premier lieu, d’un déficit de transparence dans la gestion des ressources allouées à la lutte contre la pandémie, que pourrait laisser supposer la lenteur de finalisation du rapport du fonds FORCE COVID-19. En effet, créé en Avril 2020, en vertu du décret n° 2020-965, pour une enveloppe de 1000 milliards de FCFA, cette structure n’a finalement rendu son rapport qu’au mois de juillet dernier, avec de grandes difficultés à rassembler ses pièces justificatives et l’insatisfaction notoire des bénéficiaires.
Récemment, des accusations de vente illicite du matériel acquis dans le cadre de la lutte contre la pandémie ont fusé de toutes parts, parfois même de cercles réputés proches du pouvoir.
On pourrait également citer d’autres points comme une gestion non inclusive écartant universitaires, secteur privé…, la politisation / folklorisation de la lutte contre la pandémie, le sous-dépistage, une sous-utilisation des tests rapides, l’insuffisance des efforts d’équipement, un déficit d’engagement communautaire…
Aujourd’hui, ces critiques objectives prennent tout leur sens, alors que le peuple sénégalais se débat désespérément, face aux ravages d’une pandémie meurtrière. En effet, d’innombrables patients, en manque d’oxygène suffoquent – faute de lits- aux portes des lieux de soins, tandis que les morts s’amoncèlent dans les cimetières.
Face à ce drame national, les pouvoirs publics donnent l’air de tergiverser, passant le plus clair de leur temps, à se justifier et à démentir les accusations portées sur leur gestion controversée de la pandémie et tentant de nous faire croire que les vaccins seuls peuvent tenir lieu de solution-miracle.
On observe un silence assourdissant et embarrassé du Chef de l’Exécutif en lieu et place d’un discours solennel à la Nation. Ce serait l’occasion d’essayer de rattraper le faux pas des tournées politico-économiques et d’indiquer des pistes de solution, car il semble évident que notre pays ne sortira de cette mauvaise passe, que si on arrive à tarir le flux de patients COVID-19, grâce à des mesures de prévention radicales.
FAIRE DES CHAMPIONS DE LA LUTTE ANTI-COVID, NOS FUTURS MAIRES !
Pour y arriver, il faudra promouvoir, plus que jamais, l’engagement communautaire, ce qui n’a pas encore été fait au niveau que requiert la situation.
La première étape dans la mobilisation de toutes les forces vives de la Nation, dans la lutte contre cette calamité publique durable, est de trouver le plus petit dénominateur commun aux diverses parties, sous la forme d’un plan national consensuel de lutte contre la COVID-19.
Pour y arriver, les autorités politiques de notre pays doivent cesser de faire dans une auto-glorification puérile, quand on sait que des pays économiquement plus puissants que le nôtre comme les États-Unis, le Brésil ou l’Inde ne sont pas loin d’être considérés comme les derniers de la classe dans la gestion de cette pandémie particulière.
Si nos pays s’en étaient relativement bien sortis jusqu’à présent avec des taux d’incidence relativement faibles, cela était dû, certes, à l’expertise des équipes médicales ainsi qu’à leurs expériences et vécu communautaires, mais semblait davantage relever de divers facteurs, d’ailleurs non encore complètement élucidés (immunitaires, démographiques, climatiques ou liées à l’urbanisation…).
Parce que la crédibilité de nos gouvernants est un facteur important dans l’acceptation des directives et autres arrêtés qu’ils publient, ils se doivent d’instituer une redevabilité exemplaire en établissant des normes de gestion transparentes et en y associant les députés, les syndicats, les organisations communautaires et autres organisations de la société civile, sans oublier le secteur privé…
Les organisations politiques, font montre, lors des périodes électorales, d’une expertise avérée pour convaincre les citoyens à adopter leurs vision et programmes mais surtout à voter pour leurs listes / candidats. Ils pourraient, dans une optique trans-partisane, la mettre à profit et unir leurs forces au niveau de toutes les localités, villages et quartiers pour sensibiliser les populations sur les méthodes de prévention de la COVID-19.
Mieux, le degré d’engagement dans la lutte contre la pandémie pourrait constituer un important baromètre, pour jauger l’aptitude des différents candidats au poste de président de collectivité territoriale pour le scrutin de janvier 2022.
Au niveau des territoires, les personnes-ressources, les mécènes, les membres de la diaspora, les gestionnaires des collectivités territoriales devraient initier des collectes de fonds (fundraising).
Le savoir-faire, en matière de compétition politique saine et loyale, devrait, pour une fois, être mis à profit, pour initier une grande campagne de prévention de la COVID-19, au niveau des différentes collectivités territoriales de notre pays.
QUELLES PERSPECTIVES POUR LA LUTTE ANTI-COVID ?
Nos autorités politiques doivent s’être rendues compte, qu’en ces périodes troubles, où la mort rôde autour de tous les foyers, le devoir de vérité s’imposait. C’est dire la vanité des efforts pour vouloir museler les voix discordantes, de même que la futilité des effets d’annonce.
a. Mise sur pied d’un comité scientifique
La première mesure, qui s’impose est de satisfaire une revendication pressante de la société civile, à savoir la mise sur pied d’un comité scientifique, qui complètera l’action du CNGE.
b. Élaboration d’algorithmes de prise en charge
Ce comité devra impérativement codifier, rationaliser et uniformiser la prise en charge des cas en finalisant des protocoles thérapeutiques sous forme d’algorithmes, allant du domicile à l’hôpital de niveau 4, sur la base des documents élaborés par les sociétés savantes et les organisations de la société civile.
c. Stratégie nationale de dépistage
S’il faut se féliciter de la décision de mise en place des tests anti-géniques de diagnostic rapide au niveau des districts, il faudrait dépasser les pesanteurs bureaucratiques et les décentraliser encore davantage au niveau de toutes les structures sanitaires privées, des postes de santé et même des pharmacies.
Cela permettra d’accélérer encore le dépistage précoce, qui permet de lutter contre la propagation du virus par l’isolement rapide du malade et une bonne prise en charge en temps et en heure.
Il faudrait également préciser la place des tests sérologiques dans le dispositif de surveillance et réactualiser les résultats de la première enquête de séro-prévalence, en en organisant une deuxième.
d. Subvention des prix des examens de scanner
Le scanner permet d’objectiver, dans de courts délais, les complications pulmonaires qui, mal traitées, peuvent emporter les malades du COVID-19. Il faudrait, de manière urgente, revoir à la baisse ou subventionner le coût des scanners thoraciques, très onéreux, avec des prix variant de 50.000F à 100.000F.
e. Mise en place des comités de lutte contre la COVID-19
Enfin, il faut mettre sur pied, sur l’étendue du territoire national, des comités de lutte contre la COVID-19, appelés à promouvoir la participation de tous les acteurs à la définition, à la mise en œuvre et à l’évaluation continue de toutes les initiatives de lutte contre la pandémie à COVID-19.
Ils devront, à l’échelle des quartiers, villages et communes, mobiliser les populations, veiller à la disponibilité et à l’accessibilité des services de santé et jouer un rôle de veille et d’alerte sur les dysfonctionnements dans la gouvernance des organes de gestion voire des collectivités territoriales elles-mêmes.
Les activités spécifiques ayant trait à la pandémie et appelées à se dérouler au sein des ménages et des communautés peuvent être déclinées comme suit : vaccination de toutes les personnes éligibles ; acquisition de tous les intrants nécessaires pour la prévention ; prise en charge curative dans les structures sanitaires et à domicile ; isolement des cas-contacts dans les ménages ou dans des espaces dédiés ; gestion communautaire des cultes, sépultures et des cérémonies familiales…
CONCLUSIONS
Seule l’appropriation par les communautés de la lutte anti-COVID permettra d’enrayer la progression de la pandémie. Elles devront, à l’avenir, s’impliquer plus activement dans la définition de politiques publiques, pour l’amélioration de la qualité de vie et en vue du contrôle des nouvelles menaces d’ordre sanitaire, écologique, sécuritaire et autres qui pèsent sur l’espèce humaine.
Dr Mohamed Lamine LY – Spécialiste en santé publique.
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