Selon le Haaretz, en échange de leur contribution à l’effort de guerre, l’Etat hébreu leur promet de les aider à obtenir un statut légal de résidence permanente.
D’après des témoignages recueillis par le Haaretz, l’establishment militaire israélien offre à des demandeurs d’asile africains une assistance pour accéder à un statut permanent dans l’Etat hébreu en échange de leur contribution à l’effort de guerre dans l’enclave palestinienne, y compris risquer leur vie.
Dans le pays, près de 30 000 Africains ont déposé une demande d’asile, parmi lesquels environ 3.500 Soudanais qui bénéficient seulement d’un statut temporaire en attendant que leur cas soit traité. Alors que trois demandeurs d’asile ont été tués en Israël durant l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, et que certains se sont par la suite montrés enclins à servir dans l’armée israélienne, des responsables militaires y ont vu une opportunité.
Une personne identifiée comme A. par le journal de gauche a raconté le mode de recrutement dont il a fait l’objet, tout en ayant finalement rejeté l’offre. Arrivé en Israël à l’âge de 16 ans, l’homme bénéficie d’un statut temporaire qui doit être régulièrement renouvelé auprès du ministère de l’Intérieur, sans avoir la garantie d’obtenir un jour un statut permanent.
À l’instar d’autres étrangers qui voyaient l’armée comme le meilleur moyen de s’intégrer dans la société israélienne, A. a pensé par le passé à s’enrôler. Dans les premiers mois de la guerre, il reçoit un coup de téléphone lui demandant de se présenter immédiatement dans un établissement sécuritaire sans donner d’explication. Sur place, il fait face notamment à un homme se disant responsable de recruter des demandeurs d’asile pour l’armée, à la recherche « des personnes spéciales » dans le cadre d’une « guerre de vie ou de mort pour Israël ».
Une problématique éthique vite étouffée
Après plusieurs réunions similaires en l’espace de deux semaines, A. refuse de s’enrôler. Plus tard, il retrouve le responsable sécuritaire dans un espace public cette fois, qui lui donne la somme de 1 000 shekels (environ 270 dollars) pour compenser le temps de travail perdu au cours de leurs rencontres. L’homme tente à nouveau de le convaincre de rejoindre l’armée, où il recevra une formation de deux semaines avec d’autres demandeurs d’asile, lui promettant en outre de recevoir un salaire similaire à celui qu’il touche actuellement.
Encore sceptique, A. demande ce qu’il y gagnera en retour. Le responsable sécuritaire lui répond alors « des papiers de l’Etat d’Israël ». Si A. change d’avis et prend rendez-vous pour s’enrôler, les doutes le rattrapent lorsqu’il considère la courte période de formation, alors qu’il n’a jamais tenu une arme de sa vie. Il finira par contrarier son interlocuteur en revenant sur son engagement à rejoindre l’armée, sans que celui-ci ne ferme pour autant la porte pour revenir vers lui plus tard.
S’exprimant auprès du quotidien sous couvert d’anonymat, des représentants de la Défense ont affirmé que le projet était bien organisé et bénéficiait de la supervision des conseillers juridiques de l’establishment militaire.
Certains voient néanmoins dans cette exploitation d’une situation vulnérable un problème éthique, alors qu’Israël refuse de statuer sur de nombreux dossiers de demandes d’asile afin notamment de minimiser les chiffres d’acceptation au regard du public. « C’est une question très problématique », a critiqué une source auprès du journal, d’autres responsables indiquant que les voix dissonantes avaient été réduites au silence.
D’autant qu’à ce jour, si quelques requêtes ont été lancées, aucun demandeur d’asile ayant contribué à l’effort de guerre n’a obtenu de statut officiel, bien que des opérations militaires utilisant leurs services ont été rapportées dans les médias.
Le Haaretz n’a pas été autorisé à dévoiler la façon dont l’armée israélienne déploie les demandeurs d’asile sur ses théâtres d’activité. Le quotidien dit en outre avoir appris que le ministère de l’Intérieur explorait la possibilité d’enrôler des enfants de demandeurs d’asile étudiant en Israël, sachant que le gouvernement avait déjà autorisé les fils et filles de travailleurs migrants à servir dans l’armée en échange d’un statut pour les membres de leur famille directe.
Eleni Caridopoulou avec OLJ
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