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Derrière le boom des mannequins noires sur les podiums, la sombre réalité de réfugié·e·s

Derrière le boom des mannequins noires sur les podiums, la sombre réalité de réfugié·e·s

Alors que la demande explose pour des mannequins noires à la peau très foncée, de nouveaux intermédiaires s’improvisent agence et font leur shopping dans des camps de réfugié·e·s, capitalisant particulièrement sur le désespoir de sud-soudanaises pour les endetter et les exploiter.

Adut Akech, Anok Yai, Nykhor Paul, Shanelle Nyasiase, Akon Chankou, Mari Malek, Duckie Thot, Alek Wek, ou encore Ajak Deng… Longue est la liste des mannequins d’origine sud-soudanaise sur les podiums aujourd’hui. Leur peau particulièrement foncée tranche avec l’habituelle blancheur des défilés. Depuis 2019, la demande augmente, avec comme balise temporelle marquante, le défilé Valentino haute couture printemps-été 2019 par Pierpaolo Piccioli, dont la cabine presqu’entièrement noire avait marqué les esprits. L’année suivante, avec la mort de George Floyd entre les mains de la police, l’intérêt pour les mannequins noires foncées de peau a d’autant plus explosé. Moyen facile d’afficher plus de diversité au milieu de la viralité de #BlackLivesMattter. Seulement, on peut se demander pourquoi tant d’entre elles sont originaires du Soudan du Sud, pays connu pour son instabilité politique. L’épisode de l’émission « Envoyé Spécial » diffusé sur France 2 le jeudi 29 février 2024 à 21h12 (et disponible en replay après sa diffusion sur le site de France Télévisions) s’y intéresse justement.

« Envoyé Spécial » enquête sur les agences de mannequins qui recrutent dans les camps de réfugié·e·s
Baptisé « Le rêve brisé des belles du désert », ce reportage pour « Envoyé Spécial » de Lucile Chaussoy, Kilian Le Bouquin et Marion Cantor nous emmènent dans le camp de Kakuma, au Kenya où sont réfugiées beaucoup de personnes sud-soudanaises. Certaines d’entre elles aspirent à devenir mannequins, séduites par la carrière de leurs prédécesseuses, dont la pionnière est Alek Wek qui défile depuis 1997.

Depuis, des agences de mannequin envoient souvent des scouts repérer dans des camps de réfugié·e·s les talents de demain. De quoi attirer les convoitises d’autres personnes qui se proposent de servir d’intermédiaires, voire ouvrent des agences frauduleuses pour servir toujours plus de chair à podium et nouveaux canons de beauté. Elles y entretiennent les espoirs des jeunes personnes sur place, en plus de les entraîner à défiler et poser dans des conditions spartiates.

« Repérée pour de grands défilés, elle revient endettée »
Le documentaire d’« Envoyé Spécial » présente notamment le parcours de la sud-soudanaise Nyabalang, repérée dans ce camp de réfugié·e·s kenyan par Joan Okorodudu, la directrice nigériane de l’une des plus grandes agences de mannequinat africaines, Isis Africa. Cette dernière lui propose de partir en Europe pour faire carrière comme mannequin.

Envoyée à Paris pour passer des castings, elle n’est retenue nulle part et doit rentrer au camp de réfugié·e·s. Là, Joan Okorodudu lui annonce qu’elle lui doit près de 3000 € de dettes pour les billets d’avion et logements en France, ce qui est impossible à rembourser pour la jeune Nyabalang.

« Nous n’avons jamais demandé le remboursement de la dette tout de suite, ni à Nyabalang ni à aucune autre mannequin […]. Mais nous devons prouver au fisc français que nous réclamons pendant deux ans nos dettes, avant de pouvoir les passer en pertes dans nos bilans comptables. »

Seulement, ces spécificités financières sont rarement connues des aspirantes mannequins, et des intermédiaires en profitent pour asseoir une domination financière, a raconté à France Info Ekaterina Ozhiganova, co-fondatrice de l’association de défense de mannequins Model Law :

« Certaines agences mères profitent parfois du manque d’information des jeunes filles pour les menacer, elles ou leur famille, si elles ne remboursent pas leurs dettes. »

Comme toujours, le glamour a besoin d’une part d’ombre pour briller. Et c’est à découvrir dans le « Envoyé Spécial » diffusé jeudi 29 février 2024 à 21h12 sur France 2, puis en replay sur le site de France Télévisions.

Anthony Vincent avec Madmoizelles

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