Il s’est tu: le vétéran du journalisme politique et ancien président d’Europe 1 Jean-Pierre Elkabbach s’est éteint à 86 ans, suscitant une pluie d’hommages de ses pairs et autres admirateurs d’un intervieweur tenace qui a marqué son époque. Canal+ et Europe 1 ont annoncé le décès de leur ancienne vedette mardi soir sur X (ex-Twitter), peu après sa révélation par l’hebdomadaire Paris Match.
Les réactions politiques ont afflué de la part de tous ceux qu’il avait interviewés à un moment ou un autre.
Emmanuel Macron a salué mercredi un « monstre sacré du journalisme français », disparu « à la veille du 65e anniversaire de notre cinquième République, lui qui était toujours là, à chacune de ses grandes dates, dans nos écrans ou sur nos ondes, pour en raconter les riches heures et en interroger les acteurs ».
« Jean-Pierre Elkabbach a marqué de son empreinte toute une génération. J’en fais partie, pour avoir tant espéré, alors jeune élu, d’être son invité au micro d’Europe 1 jusqu’à ce qu’il me donne ma chance », a réagi l’ancien président Nicolas Sarkozy sur les réseaux sociaux, faisant part de sa « tristesse ».
« Une page de notre histoire politique et médiatique se tourne avec » sa disparition, a estimé son successeur François Hollande, louant une « pugnacité qu’aucun interlocuteur ne pouvait épuiser ».
Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a rendu hommage « à un observateur hors pair de notre vie politique nationale ». « Ma première interview fut avec Jean-Pierre Elkabbach ! Autant une épreuve qu’une consécration », a écrit Rachida Dati, maire LR du VIIe arrondissement et ancienne garde des Sceaux.
« Il avait interrogé tous les chefs d’Etat depuis Valéry Giscard d’Estaing et fait vivre notre débat démocratique », a souligné le président du RN Jordan Bardella. Le leader communiste Fabien Roussel a pour sa part salué un « compagnon de route de la Ve République » dont les « échanges mythiques avec Georges Marchais resteront gravés ».
Une allusion à une interview en 1980 sur la chaîne Antenne 2 avec le secrétaire général du PCF qui le rabroua. La célèbre formule, « Taisez-vous Elkabbach! », n’a en fait jamais été prononcée par Marchais, mais imaginée par l’humoriste Thierry Le Luron caricaturant le débat.
« Ils s’appréciaient beaucoup. C’étaient peut-être les deux meilleurs ennemis. Il y avait beaucoup de respect entre eux », a déclaré sur BFMTV Olivier Marchais, plus de 25 ans après la mort de son père.
⚫️ Il aura marqué les médias français pendant plus d’un demi-siècle.
Jean-Pierre Elkabbach est mort, mardi 3 octobre, à l’âge de 86 ans. Retour sur le parcours d’un intervieweur tenace mais aussi d’un patron de radio et de télévision. pic.twitter.com/JSsC0N6clM
— franceinfo (@franceinfo) October 4, 2023
Longévité
Sans surprise, les témoignages de respect se multiplient également de la part des journalistes, dont il a marqué plusieurs générations. « Il a été le premier à me donner ma chance », a ainsi souligné Léa Salamé. « On est nombreux à avoir pris ses attaques d’interview en référence », a déclaré Laurence Ferrari sur CNews.
« C’était le meilleur intervieweur qu’on ait eu », a commenté sur BFMTV Alain Duhamel – son ancien partenaire dans « Cartes sur table » sur Antenne 2 – louant son « incroyable acharnement » et sa « méticulosité ». « C’est quand même toute une époque », a relevé sur la même chaîne Michèle Cotta, membre du même « clan de journalistes » et de la même génération.
Professionnel infatigable, qui a analysé et commenté plus de 60 ans de vie politique, Jean-Pierre Elkabbach a été patron de radio et de télévision. Il a parfois été brocardé pour ses amitiés politiques supposées – de Valéry Giscard d’Estaing à Nicolas Sarkozy ou François Hollande. Sa longévité à l’antenne avait fini par lasser une partie du public et conduit à son éviction en 2017 d’Europe 1.
Il était alors entré chez CNews, devenant conseiller de Vincent Bolloré, qui contrôlait la chaîne d’info « qu’il a contribué à créer », comme l’a rappelé sur X le directeur général du groupe Canal+, Gérald Brice-Viret. Delphine Ernotte a salué la mémoire de celui qui fut avant elle patron de France Télévisions et a « amené le débat public dans tous les foyers ».
Né en 1937, Jean-Pierre Elkabbach a commencé sa carrière comme correspondant de la RTF à Oran, sa ville natale en Algérie, avant d’être nommé à Paris en 1961. Après des années sur le petit écran, il entre à Europe 1 au début des années 80 et y fera de très nombreux aller-retours.
Il y était revenu notamment en 1996, éclaboussé par un scandale sur l’attribution de contrats juteux aux animateurs-producteurs stars de France 2, alors qu’il était patron de France Telévisions… et y restera jusqu’en 2017.
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