« Tous les grands évènements et personnages de l’histoire du monde se produisent pour ainsi dire deux fois…, la première fois comme une grande tragédie, la seconde fois comme une farce sordide … » Karl Marx (Le Dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte).
L’histoire retiendra que l’espoir suscité par la deuxième alternance survenue en mars 2012 s’est mué en un affreux cauchemar, dont le peuple sénégalais peine à se réveiller.
Personne n’aurait pu imaginer qu’au 21 ème siècle, le peuple sénégalais devrait encore se battre pour le respect des normes minimales de la démocratie représentative bourgeoise, décriées un peu partout et qui sont loin de satisfaire aux exigences de respect des droits et libertés pour tous, de justice sociale et de répartition équitable des ressources nationales.
Et pourtant, la bataille fut longue depuis la dictature du Parti-Etat senghorien jusqu’à la première alternance de 2000, puis la deuxième de 2012.
Soixante-trois ans après notre accession à l’indépendance, on en est presque revenu au modèle de pensée unique initiée par les pères fondateurs en complicité avec leurs mentors de la Françafrique, qui n’étaient pas loin de penser, que les peuples africains n’étaient pas encore outillés pour gérer ni une souveraineté pleine et entière, encore moins une démocratie multipartisane.
Il s’agissait pour les ténors de la Françafrique de veiller jalousement, par divers subterfuges, à la préservation de leurs intérêts égoïstes d’ancienne métropole, ce qui passait par la neutralisation de toutes les forces sociales et politiques prônant une indépendance véritable. Cet état de fait allait se traduire au Sénégal, lors des municipales de 1960, par la dissolution d’un parti, comme le PAI, qui dès sa création, le 15 septembre 1957, avait clairement affiché son option anti-impérialiste.
Cela lui valut d’être diabolisé à souhait et d’être présenté, à l’instar de toutes les organisations similaires, à travers le continent, comme un nid d’agents patentés de l’Internationale communiste, péché capital à cette époque de guerre froide.
On ne peut manquer de faire le rapprochement entre ce parti-Etat unifié au service de la bourgeoisie bureaucratique et des puissances impérialistes et la Coalition Benno Bokk Yakaar, en voie d’implosion, où un unanimisme grégaire, a jusque-là prévalu.
Cette stratégie de « l’épouvantail communiste » doublée d’une répression féroce (similaire en tous points à la campagne anti-PASTEF en cours), a pu réussir, pendant un certain temps, à favoriser la stratégie de fusion-absorption par l’UPS de certains partis réformistes et à empêcher la mise en place de larges alliances politiques pour aller vers des conquêtes démocratiques et le parachèvement de notre souveraineté nationale.
Mais, dès 1967, lors de sa conférence rectificative, le PAI s’engageait résolument, malgré la persécution et la stigmatisation dont il faisait l’objet, à œuvrer pour l’unité des forces patriotiques et démocratiques. Une année après, survint la grave crise sociopolitique de mai 1968, qui donna le signal d’entrée dans un nouveau cycle de gouvernance moins directe, plus médiate, caractérisée par la nomination d’un premier ministre. Par ailleurs, le poète-président fut contraint de lâcher du lest devant la montée des luttes syndicales et populaires portées essentiellement par certains pans de la classe ouvrière, mais surtout les mouvements enseignant, étudiant et élève.
Parallèlement se firent jour, avec acuité, les problématiques du pluralisme politique et de l’autonomisation syndicale. C’est ainsi qu’on peut prendre comme évènement-repère, la pétition publiée en juin 1977, signée par des centaines d’intellectuels sénégalais, réclamant le retour à un pluralisme véritable, y compris la reconnaissance du Rassemblement National Démocratique du Pr Cheikh Anta Diop.
Pour leur barrer la route, sans compromettre ses démarches pour intégrer l’Internationale socialiste, le régime UPS-PS fit alors modifier la Constitution par son assemblée nationale monocolore de l’époque, en adoptant la loi des trois courants, (qui nous fait penser à la triade Benno – Wallu – Taxawu).
L’Union progressiste sénégalaise se rebaptisa « parti socialiste », tout en s’accaparant du courant « socialiste démocratique ». Elle allait imposer l’étiquette « libéral-démocratique » à Me Abdoulaye Wade, qui se réclamait pourtant du travaillisme.
Quant au courant « communiste », il fut décliné, de manière ferme par Cheikh Anta Diop, non seulement, parce que tous les membres de son parti, à commencer par lui-même n’étaient marxistes, mais aussi et surtout parce que leur ambition était plutôt de fédérer les divers courants de pensée, comme l’indique le nom de leur formation politique (Rassemblement).
Le président Senghor décida, alors de confier le label communiste à l’ancien secrétaire général du PAI, pourtant suspendu des instances de son parti, depuis la conférence rectificative de 1967, mais que le pouvoir néocolonial cherchait à remettre en selle, au détriment de sa direction légitime incarnée par Seydou Cissokho.
Il s’en suivit alors des années de combats exaltants pour les libertés démocratiques, dans lesquels, d’autres partis comme AJ/MRDN, la LD/MPT et toutes les composantes ce qu’il était alors convenu d’appeler mouvement national démocratique jouèrent aussi un grand rôle et qui aboutiront au départ anticipé de
Senghor et à sa dévolution illégale du pouvoir à son dauphin, Abdou Diouf, par la grâce de l’article 35 honni.
Ce dernier fut contraint, pour asseoir une légitimité contestée aussi bien par l’opposition que certains de ses propres camarades de parti, d’instaurer le multipartisme intégral et de tenter d’amadouer les secteurs les plus contestataires, notamment les enseignants et les étudiants, avec l’organisation des Etats Généraux de l’Education et de la Formation et de la concertation nationale sur l’Enseignement Supérieur.
Mais ce fut bientôt le désenchantement, non seulement à cause de la poursuite de la culture de fraude électorale, datant du bon vieux temps du Parti unique mais aussi en raison des conséquences sociales catastrophiques des plans d’ajustement structurel des officines financières impérialistes (FMI, BM).
Les luttes menées par le mouvement national démocratique aboutirent à plusieurs victoires sur les questions des libertés et de fiabilisation progressive du processus électoral (code consensuel de 1992), permettant la survenue de la première alternance en mars 2000.
Le refus du parti démocratique sénégalais et surtout de son leader historique d’opérer les ruptures nécessaires, le fait de privilégier la continuité des grandes orientations néfastes mises en œuvre par les socialistes, dont la plupart l’avaient d’ailleurs rejoint, montraient à l’évidence que son seul souci était d’être calife à la place du calife et de faire de son fils un calife.
Son successeur Macky Sall, quant à lui, enivré sans doute par le nouveau statut de pays pétrolier et gazier de notre pays et bénéficiant, très certainement, de l’expertise de certains autocrates d’Afrique centrale et de barbouzes sionistes, il a entrepris la destruction systématique de nos fondamentaux démocratiques.
Cela nous vaut l’avènement d’un Etat qui, non content de terroriser ses citoyens, taxe tous les opposants véritables d’être des terroristes, assimile toutes les manifestations publiques pacifiques à des troubles à l’ordre public, confond liberté d’expression à des appels à l’insurrection…etc.
Faute d’avoir respecté les engagements tenus devant le Peuple des Assises en vue de mettre en œuvre les orientations majeures retenues dans la Charte de gouvernance démocratique, le président Macky Sall a fini par infliger une régression majeure à notre système démocratique, dont l’exemple le plus emblématique se trouve être le récent arrêté de dissolution du PASTEF.
Le Sénégal se trouve donc, bien loin des enjeux dérisoires de la bataille effrénée pour la station tant convoitée d’hyper-président, dans un état d’urgence démocratique, que l’Opposition dans son ensemble, au-delà de ses divergences tactiques doit lever, pour nous épargner la nuit noire du fascisme rampant.
NIOXOR TINE
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