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Dans son documentaire « Nous », Alice Diop rassemble une France des différences

Quatrième documentaire de la réalisatrice autour des banlieues, « Nous » prône une France débarrassée des communautarismes.

Alice Diop filme sa banlieue de l’Essonne, où elle vit, et que traverse la ligne B du RER, fil rouge de son quatrième documentaire, Nous, en salles mercredi 16 février. Ce titre fédérateur résume la philosophie de la cinéaste, pour laquelle les histoires d’immigrés arrivés en France, et l’identité du pays d’accueil, ne sont pas contradictoires, mais mutuellement enrichissantes.

Des histoires qui se rencontrent
D’une chasse à courre en forêt de Rambouillet, aux propos de gosses sur les marches des cités, en passant par la famille Diop d’origine sénégalaise, ou la messe annuelle commémorative de la mort de Louis XVI, le film fait le portrait d’une France multiple, dont les contradictions et incommunicabilité ne sont qu’apparentes.

En ces temps où la campagne présidentielle privilégie le thème de l’immigration, le film d’Alice Diop tient un propos à contrecourant qui fait du bien à voir et à entendre.

Dans une démarche expérimentale, la cinéaste réclame l’attention du spectateur plongé dans une succession d’histoires qui se racontent, se rencontrent, s’observent et se jaugent. L’interview final par Alice Diop de son mentor Pierre Bergougnoux expose ses convictions de cinéaste, tant dans la forme que dans le propos de ses films, fondamentalement politiques.

Œcuménisme
Le film débute sur un jeune adulte d’origine malienne, en France depuis plus de vingt ans, qui échange avec sa mère au téléphone dans sa langue d’origine sans sous-titres. Une ouverture un peu âpre, mais qui induit l’acceptation de la différence. On ne peut se soustraire à sa langue d’origine, ne dit-on pas langue maternelle ?

S’enchaînent les premiers films amateurs d’Alice Diop sur sa famille et l’interview de son père sur son arrivée et sa vie en France, qui annoncent le discours œcuménique que va adopter la réalisatrice. Ainsi le contraste avec des traditions issues de l’histoire française (chasse à courre, Louis XVI), montre la cohabitation et la tolérance ; les échanges entre la visiteuse à domicile sénégalaise et les personnes âgés dont elle s’occupe, reflètent un respect et un intérêt mutuels.

A l’heure où nombre de fictions prennent une forme peu ou prou documentaire, Alice Diop donne une dimension fictionnelle à son exposé dans son traitement de l’image. La ville, les quartiers, gares et autres axes de transport sont filmés avec un soin attentif qui dramatise le sujet.

Les différents support – films de famille, numérique, dominantes colorées -, nourrissent le film d’une belle richesse graphique. Alice Diop aboutit à un message humaniste sur une France qui ignore la cohésion qui l’habite.

La fiche
Genre : Documentaire
Réalisatrice : Alice Diop
Durée : 1h57
Pays : France
Sortie : 16 février 2022
Distributeur : New Story

Synopsis : Une ligne, le RER B, traversée du nord vers le sud. Un voyage à l’intérieur de ces lieux indistincts qu’on appelle la banlieue. Des rencontres : une femme de ménage à Roissy, un ferrailleur au Bourget, une infirmière à Drancy, un écrivain à Gif-sur-Yvette, le suiveur d’une chasse à courre en vallée de Chevreuse et la cinéaste qui revisite le lieu de son enfance. Chacun est la pièce d’un ensemble qui compose un tout. Un possible « nous ».

Jacky Bornet

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