Un mois après un putsch raté, la plupart des membres civils du gouvernement soudanais, dont le Premier ministre Abdallah Hamdok, ont été arrêtés ce lundi par l’armée.
Arrestations de personnalités civiles au petit matin, télévision d’Etat occupée, Internet coupée, vols internationaux suspendus… Au petit matin, ce lundi, l’armée soudanaise a procédé à un coup d’Etat, un mois après une première tentative manquée.
Le Premier ministre et de nombreuses personnalités arrêtées
Des hommes armés d’abord non identifiés ont arrêté tôt ce lundi matin plusieurs dirigeants soudanais à leurs domiciles. Selon un communiqué publié quelques heures plus tard sur Facebook par le ministère de l’Information, des « forces militaires » ont procédé aux arrestations. « Les membres civils du Conseil de souveraineté » qui chapeaute la transition « et la plupart des ministres (…) ont été emmenés vers une destination inconnue », ajoute le texte.
Le Premier ministre Abdallah Hamdok, qui selon le ministère a refusé de faire une déclaration en faveur du coup d’État, a été transporté en un lieu tenu secret. Le ministre de l’Industrie Ibrahim al-Sheikh, le ministre de l’Information Hamza Baloul, le conseiller média du Premier ministre, Faisal Mohammed Saleh, le porte-parole du Conseil souverain au pouvoir au Soudan, Mohammed al-Fiky Suliman, et le gouverneur de la capitale Khartoum, Ayman Khalid, ont aussi été arrêtés.
Une annonce « sous peu »
A 10h20, heure locale et française, la télévision d’Etat au Soudan, prise d’assaut par des soldats, a annoncé que le général Abdel Fattah al-Burhane, à la tête de la transition soudanaise, allait prendre la parole sous peu.
La population dans l’attente, les militaires déployés
Les forces militaires et paramilitaires de soutien rapide se sont déployées dans la capitale, Khartoum, limitant les déplacements des civils. Sitôt la nouvelle connue, des manifestants se sont rassemblés dans les rues pour protester contre ces arrestations, mettant le feu à des pneus, dans différents quartiers. L’Association des professionnels soudanais (SPA), l‘un des fers de lance de la révolte de 2019 qui a mis fin à 30 années de dictature d’Omar el-Béchir, a appelé ses partisans à se mobiliser dans la rue et par la grève « contre les putschistes ».
A l’aéroport international, tous les vols ont été suspendus, selon la chaîne de télévision al-Arabiya basée à Dubaï. Les communications Internet ont été coupées.
Une situation explosive depuis longtemps
Ces événements interviennent deux jours seulement après qu’une faction soudanaise appelant à un transfert du pouvoir vers un régime civil a mis en garde contre un « coup d’État rampant », lors d’une conférence de presse qu’une foule de personnes non identifiées avait cherché à empêcher.
⚠️ Confirmed: Internet disrupted in #Sudan amid reports of military coup and detention of Prime Minister; real-time network data show national connectivity at 34% of ordinary levels; incident ongoing 📉
📰 Live Report: https://t.co/uVVZKchH5S pic.twitter.com/SoyZK2uYQ9
— NetBlocks (@netblocks) October 25, 2021
Le Soudan connaît une transition précaire entachée de divisions politiques et de luttes de pouvoir depuis l’éviction du président Omar el-Béchir en avril 2019. Depuis août 2019, le pays est dirigé par une administration composée de civils et de militaires chargée de superviser la transition vers un régime entièrement civil. Le principal bloc civil – les Forces pour la liberté et le changement (FFC) – qui a mené les manifestations anti-Béchir en 2019, s’est scindé en deux factions opposées.
Les tensions entre les deux parties existent depuis longtemps, mais les divisions se sont exacerbées après le coup d’État manqué du 21 septembre. La semaine dernière, des dizaines de milliers de Soudanais – dont des ministres en exercice – ont défilé dans plusieurs villes du pays pour soutenir le transfert complet du pouvoir aux civils, et contrer ainsi un sit-in rival de plusieurs jours devant le palais présidentiel à Khartoum, qui exigeait un retour au « régime militaire ». Samedi, Abdallah Hamdok avait démenti les rumeurs qui affirmaient qu’il avait accepté un remaniement ministériel.
Special Envoy Feltman: The US is deeply alarmed at reports of a military take-over of the transitional government. This would contravene the Constitutional Declaration and the democratic aspirations of the Sudanese people and is utterly unacceptable. (1/2)
— Bureau of African Affairs (@AsstSecStateAF) October 25, 2021
La communauté internationale inquiète
Samedi et dimanche, l’envoyé spécial des États-Unis pour la Corne de l’Afrique, Jeffrey Feltman se trouvait à Khartoum, il a réagi rapidement: « les États-Unis sont profondément alarmés par les informations faisant état d’une prise de contrôle militaire du gouvernement de transition. Cela serait contraire à la Déclaration constitutionnelle et aux aspirations démocratiques du peuple soudanais et est tout à fait inacceptable », a–il dit, affirmant que ces manœuvres pourraient remettre en question les aides américaines au Soudan.
🔴#Soudan: des milliers de civils soudanais continues de manifester dans les rues de #Khartoum pour fustiger le coup d’Etat. #Sudan #sudanmilitarycoup #sudanrevolution #SudanCoup pic.twitter.com/scSmQwu9QX
— LSI AFRICA (@lsiafrica) October 25, 2021
« J’appelle les forces armées à relâcher immédiatement les détenus » dont les arrestations sont « inacceptables », a estimé l’émissaire de l’ONU au Soudan Volker Perthes. Le secrétaire général de la Ligue arabe Ahmed Aboul Gheita Ligue arabe s’est dite « préoccupée » lundi par les « développements » au Soudan, où l’armée a arrêté la plupart des dirigeants civils après des semaines de tensions entre militaires et civils qui se partagent le pouvoir.
Il a fait part dans un communiqué de sa « profonde préoccupation face aux développements » au Soudan et appelé « toutes les parties à respecter » l’accord de partage du pouvoir de transition établi en 2019 après le renversement de l’autocrate Omar el-Béchir.
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