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Cheikh Diop raconte comment il a rebondi après l’échec d’une carrière pro en basket

Cheikh Diop, ancien joueur de basket de niveau national, dévoile dans le livre « Les 69 péripéties », publié en mars, comment il a dû renoncer à une carrière professionnelle. Une rare confidence sur la façon dont on rebondit après n’avoir jamais atteint la lumière malgré les sacrifices requis pour la discipline.

À la question « Qui veut devenir basketteur professionnel ? », la plupart des adolescents du club de basket Est Val-d’Oise lèvent la main. « Même pas 1 % y arriveront », commente Cheikh Diop. Cet imposant sportif né à Gonesse (Val-d’Oise) a sorti son livre « Les 69 péripéties » aux éditions Jets d’Encre, en mars.

Le trentenaire, désormais pépiniériste, y raconte comment il a dû renoncer à son rêve d’embrasser une carrière de basketteur professionnel à cause d’une blessure et du manque d’argent. Après avoir tout consacré à ce sport, il y détaille le chemin « semé d’embûches » pour retrouver sa voie.

Deux collèges du Val-d’Oise et un collège parisien ont déjà choisi d’étudier son autobiographie. En même temps, le milieu du sport professionnel fait fantasmer partout les jeunes. Mais peu connaissent le sort des joueurs restés dans l’ombre.

Que se passe-t-il lorsque, malgré les sacrifices, une carrière n’est pas possible ? Pas le choix, ils sont obligés de recommencer ailleurs. « Il ne faut pas en avoir honte, balaie Cheikh. Mais bien sûr, cela a été dur. » Ce jour-là, le joueur relate son parcours aux ados du club. « Je veux devenir pro et je ne souhaite pas réfléchir à d’autres éventualités », avoue Ilian, 15 ans.

À 14 ans, sélectionné parmi les 14 meilleurs joueurs franciliens
Au même âge, Cheikh était comme eux. L’ascension a même été rapide pour ce grand gaillard d’origine sénégalaise d’1,87 m qui a grandi avec ses sept frères et sœurs à Gonesse. Dès 7 ans, il taquine le ballon orange. À 14 ans, il est sélectionné parmi les 14 meilleurs joueurs d’Île-de-France. C’est là qu’il s’aperçoit que le fils du président de son club est clairement favorisé. « Ce n’est pas forcément le meilleur qui est choisi pour monter, assure-t-il. C’est toi et ta chance et le feeling que tu as avec l’entraîneur. »

Quatre ans plus tard, le sportif intègre le centre de formation d’Orléans. Il déchante un peu. Sa mère est femme de ménage, son père décorateur d’intérieur. Il réside encore chez ses parents et n’a pas les moyens de se payer un hébergement après les matchs qui se déroulent uniquement les soirs. Cheikh décide de patienter dans les bars jusqu’au premier train de 5 heures du matin pour Paris. Un rythme qu’il tient pendant un an « par amour pour le basket ».

Le coach de Tony Parker « valide » son niveau
Lors d’un stage, Ron Stewart salue son niveau. Ce n’est pas rien : ce dernier a coaché le talentueux Tony Parker. « Il m’a validé ! », se targue Cheikh qui adopte à cette époque une discipline de fer. À savoir peu de sorties et une alimentation saine.

Si l’ambiance est top dans les vestiaires, sur le terrain c’est « la guerre ». « Au basket, tu boxes quand tu joues. C’est un sport collectif mais tu dois briller pour percer. C’est chacun pour soi, observe-t-il. L’arbitre note qui a marqué le plus de paniers. C’est ça qu’on retient d’un joueur. » Ce sport est aussi très physique. « Les spectateurs ne le voient pas mais on se prend souvent des coups de bras dans le torse qui font hyper mal. »

À 21 ans, Cheikh est à son sommet. Mais un soir, il s’embrouille en boîte avec un « gars qui le cherchait depuis longtemps ». S’il lui règle son compte, il se fait éclater un doigt dans la bagarre. Cette blessure lui coûtera cher. Il ne peut plus jouer pendant un an et réalise que son objectif n’est plus possible.

Pendant des mois, il encaisse le coup avant d’enchaîner les petits boulots. D’abord en tant que surveillant dans un collège puis dans des fast-foods. Bizarrement, le sport lui sert pour tenir. « Quand j’étais au KFC, je retrouvais des réflexes du basket. Quand on te dit d’aller vite, de passer la commande à ton collègue… », se souvient le trentenaire qui prépare aujourd’hui le concours de gendarme.

Si l’entraîneur ne « peut pas te voir », tu ne montes pas…
« S’il avait persévéré, il aurait pu intégrer une équipe professionnelle même s’il n’aurait pas été un élément majeur, estime Christian Larousse, son ancien entraîneur à Orléans. Il était supérieur par rapport à son groupe. Mais sur dix, un seul va percer. Certains végètent en national 1 ou 2 sans jamais réussir pro qui est le niveau juste au-dessus. Ils vivotent avec trois fois rien. C’est une déception pour les gamins. Ce n’est pas évident pour ceux qui n’y arriveront jamais. »

Surtout qu’une carrière se joue à « pas grand-chose ». « J’ai connu un jeune remplaçant en sélection départementale. Son entraîneur ne pouvait pas le voir. Ce dernier n’a pas pu être présent à un tournoi qualificatif parce qu’il était malade, rapporte-t-il. L’autre entraîneur présent ce jour-là l’a envoyé jouer. Aujourd’hui, ce gamin joue en football pro à Ajaccio. »

Dans le gymnase, Jeremy, un joueur classé en national 3, considère, lui, qu’il est plus difficile de réussir en banlieue qu’ailleurs. « Les recruteurs ne viennent pas trop dans nos zones, pense-t-il. Ceux qui ont réussi sont partis en province. On n’a pas le réseau. Puis, on est trop nombreux. » « Le centre de formation d’Orléans va dans les banlieues repérer des joueurs qu’ils recrutent à la taille », temporise Christian Larousse. En tout cas, Cheikh n’a pas renoncé à jouer. Il a même un nouveau rêve : celui d’intégrer l’équipe nationale militaire de basket.

« Les 69 péripéties », Cheikh Diop, édition Jets d’encre, 120 pages, 14,50 euros.

Biographie de l’auteur
Sa troisième médaille militaire en poche, Cheikh Diop ne compte pas s’arrêter là. Gonessien de 31 ans titulaire d’un BTS dans les systèmes énergétiques et climatiques, Cheikh Diop est actuellement pépiniériste.

Il compte bien réussir son intégration dans l’équipe de France de basket militaire, la dernière chance avant la fin de sa carrière sportive.

Par Marie Briand-Locu avec Le Parisien

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