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Changements climatiques et santé, une incidence en quête d’évidences

Les changements climatiques, en même temps qu’ils contribuent à dégrader l’environnement, sont un facteur de résurgence de certaines maladies, dont la dengue, la fièvre de la vallée du Rift ou la maladie à fièvre Zika, comme l’attestent désormais chercheurs et scientifiques.

Le monde scientifique et la médecine considèrent comme déjà de l’ordre de l’évidence le lien entre certaines maladies – paludisme, affection respiratoires et maladies hydriques – et des phénomènes climatiques se caractérisant par une hausse des températures, la pollution de l’air et les inondations.

La résurgence de certaines maladies telles que la dengue, la fièvre de la vallée du Rift ou la maladie à fièvre Zika vient s’ajouter à ce tableau des liens à établir entre l’évolution des conditions météorologiques et ses incidences sur la santé humaine.

Selon la Stratégie mondiale sur la santé, l’environnement et les changements climatiques, un projet soumis à la 68e session du comité régional pour l’Afrique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), tenu à Dakar en août 2018, ‘’les changements climatiques ont un impact croissant sur la santé et le bien-être des personnes, de même que d’autres changements environnementaux mondiaux tels que la disparition de la biodiversité’’.

Ce phénomène ‘’accroît la fréquence des vagues de chaleur, des sécheresses, des pluies extrêmes, des tempêtes et des cyclones violents dans de nombreuses régions et modifie la transmission des maladies infectieuses, ce qui a d’importantes répercussions sur la santé’’, note le comité.

L’évolution des conditions météorologiques a des effets sur l’élévation du niveau des mers, qui augmente les risques d’inondations, ce qui fait que les conséquences des changements climatiques sont mondiales en termes d’effets et d’échelle.

Au Sénégal, par exemple, les conditions climatiques extrêmes ne seraient pas étrangères à l’épidémie de la dengue qui a touché certaines régions du pays, il y a quelques semaines.

Un lien clairement établi
Pire, il est à craindre que le réchauffement climatique continue à créer des conditions favorables au développement des vecteurs de la dengue, mais aussi de la fièvre de la vallée du Rift, du chikungunya et de la maladie à fièvre Zika.

Il y avait jusque-là ‘’un déficit d’observations pertinentes et concordantes’’ sur la variabilité climatique, en lien avec l’émergence et la réémergence de certaines maladies, mais désormais le lien entre les évolutions du climat et certains facteurs épidémiologiques est clairement établi, soutient Massamba Sylla, professeur d’entomologie médicale à l’université du Sine-Saloum El Hadj-Ibrahima-Niass, au Sénégal.

Ce lien est attesté par plusieurs travaux sur la borréliose, une affection courante causée par une bactérie transmise à l’homme par piqures de tiques dures et longtemps confondue au Sénégal avec des accès palustres, a indiqué ce chercheur.

De même, les travaux menés sur la fièvre hémorragique de Crimée-Congo et la fièvre de la vallée du Rift illustrent bien l’émergence de maladies en rapport avec le changement climatique, note Massamba Sylla.

Il note à ce sujet que l’émergence au Sénégal, dans les années 1980, de la fièvre de la vallée du Rift, de type épidémique, était liée à la sécheresse et à l’afflux massif de petits ruminants de l’ouest et du sud-est de la Mauritanie à Rosso, sur le bassin versant du fleuve Sénégal, dans une zone où la pathologie n’a jamais été signalée auparavant.

Les inondations, une variable de taille
Les inondations sont en même temps une variable de taille dans l’apparition des maladies à transmission vectorielle comme le paludisme, la dengue et les bilharzioses, qui peuvent toutes être liées au processus pluviométrique et aux inondations.

Avec la récurrence des inondations depuis quelques années au Sénégal, il a été constaté la résurgence d’épidémies de dengue dans la zone urbaine de Dakar, mais aussi à Touba, Fatick, Rosso, Ziguinchor, dans des localités confrontées à un déficit d’assainissement surtout, le moustique favorisant le développement de la dengue pouvant vivre dans des eaux usées stagnantes pendant une longue période.

Le choléra, en particulier, semble avoir le lien le plus évident avec les inondations au Sénégal, le vibrion cholérique, le germe pathogène responsable de cette maladie, ayant fait son apparition à chaque fois qu’il y a eu des inondations, comme en 2003, 2009, 2012, 2015 et 2019.

Il y a d’une manière générale des craintes à avoir et un ensemble de maladies à potentiel épidémique à surveiller, en rapport avec la variabilité du climat.

Ces maladies peuvent être liées à des paramètres climatiques spécifiques comme la pluie et l’humidité relative, sans compter que le Sénégal est sous la menace de pathologies liées aux phénomènes de vagues de chaleur, selon des chercheurs.

Les températures peuvent égaler ou dépasser 45 °C entre mars et juin dans le nord du Sénégal, les régions de Saint-Louis et Matam, ainsi que dans la région de Tambacounda, dans l’est du pays.

L’impact de l’évolution climatique actuelle sur la santé humaine a été intégré par les chercheurs à partir du début des années 1990, rappelle Massamba Sylla, qui a donné l’exemple du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, créé en 1988 pour fournir des évaluations détaillées de l’état des connaissances scientifiques, techniques et socioéconomiques sur les changements climatiques, leurs causes, leurs répercussions potentielles et les stratégies de riposte.

L’analyse des recherches portant sur les maladies infectieuses transmises par des vecteurs (moustiques et tiques) a montré que la variabilité de la température et les changements notés dans l’intensité et la distribution des précipitations ont un effet certain sur la répartition des vecteurs et, par voie de conséquence, sur les aires d’incidence de nombreuses maladies virales, bactériennes et parasitaires.

L’action de l’homme peut certes avoir favorisé la prolifération des vecteurs de ces maladies, mais il y a aussi ‘’probablement des facteurs liés au climat, notamment la température, l’humidité et les précipitations’’, explique l’environnementaliste Ibrahim Sy, chercheur à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar.

M. Sy est d’avis qu’on ‘’ne peut pas écarter l’éventualité d’un lien entre l’apparition de certaines maladies avec la forte chaleur, les inondations, la pollution de l’air, les manifestations les plus fréquentes du changement climatique ou du dérèglement climatique, selon les appellations’’.

Vers une hausse des maladies climato-sensibles
‘’Ce sont des conditions qui existent en Afrique tropicale, et c’est l’une des raisons qui font qu’aujourd’hui nous avons un développement de plus en plus important de certains vecteurs comme le moustique Aedes, en particulier l’espèce dite Aedes aegypti, vecteur de la maladie de la dengue au Sénégal’’, a dit Ibrahima Sy.

‘’Nous pensons d’ailleurs que le changement, et surtout le réchauffement climatique, va continuer dans les années à venir à créer des conditions favorables au développement de ces vecteurs qui provoquent la dengue, mais aussi la fièvre jaune, le chikungunya et la maladie à fièvre Zika’’, a-t-il ajouté.

Selon lui, les projections de plusieurs scientifiques portent sur le fait que les maladies climato-sensibles ‘’vont augmenter à l’horizon 2030-2050’’.

Il s’agit principalement du paludisme, qui est surtout présent dans les régions du sud du Sénégal, mais aussi de la dengue qui risque d’apparaitre plus souvent autour de Thiès, Touba et Dakar, sans compter la fièvre de la vallée du Rift à Louga et dans la vallée du fleuve Sénégal, le choléra dans des zones comme Touba et Dakar.

S’agissant des maladies liées aux vagues de chaleur, elles devraient concerner principalement les zones nord et ouest, ‘’avec une mortalité associée, beaucoup plus importante dans la zone ouest, en septembre, octobre et novembre, avec une sensation de chaleur beaucoup plus élevée’’, indique l’environnementaliste.

‘’L’humidité relative va augmenter, les océans se réchauffent et [engendrent des conséquences] sur le continent, et c’est là qu’il y aura beaucoup plus de risques sanitaires liés aux vagues de chaleur’’, a expliqué Ibrahim Sy, collaborateur du Centre de suivi écologique de Dakar.

Des variables climatiques liées aux inondations vont être de plus en plus prises en compte par le monde scientifique, parmi lesquelles ‘’la pluie [qui] est une variable de taille dans l’apparition des maladies à transmission vectorielle comme le paludisme, la dengue, les bilharzioses intestinale’’, poursuit l’environnementaliste.

‘’C’est l’humidité relative qui est mise en avant, parfois c’est un problème d’aménagement ou de planification, puisque globalement, on remarque que c’est dans les zones où la pluviométrie est plus abondante qu’on retrouve un certain dynamisme de l’anophèle responsable du paludisme’’, fait remarquer Ibrahim Sy.

A contrario, la fièvre de la vallée du Rift est une maladie qui apparait dans des zones où il n’y a pas beaucoup d’eau comme le Ferlo. Les mares peuvent ainsi constituer des lieux favorables à la reproduction de l’Aedes, vecteur de cette maladie.

La contamination des eaux et des sols
Il y a enfin le cas des maladies hydriques liées à la stagnation des eaux comme les maladies diarrhéiques, notamment le choléra, les dermatoses et les parasitoses intestinales, liées également aux changements climatiques.

Le chercheur renseigne que dans ce cas, ‘’le problème, c’est la pollution des eaux’’, puisqu’avec les inondations et l’absence d’un mécanisme éprouvé de gestion de ce phénomène, ‘’les eaux de surface et la nappe peuvent être contaminées’’.

Avec les inondations, le risque d’émergence de ces maladies augmente, le facteur le plus déterminant étant la contamination des eaux et la contamination des sols avec les helminthiases, qui causent les bilharzioses intestinales.

Ibrahim Sy affirme par ailleurs que pour les produits agricoles, il est impossible d’arriver à ‘’une traçabilité’’ des conditions de production (type d’eau, engrais et traitement phytosanitaire).

‘’C’est toute une chaîne qu’on ne maîtrise pas toujours, et c’est l’acteur final, à savoir le consommateur, qui doit prendre les dispositions pour bien nettoyer avant l’utilisation’’, a-t-il conseillé.

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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