Afrique

Boom démographique en Afrique subsaharienne, une arme à double tranchant

– Selon les projections de l’ONU, les pays d’Afrique subsaharienne devraient contribuer à plus de la moitié de l’augmentation prévue de la population mondiale en 2050.

La population mondiale totale vient d’atteindre le seuil des 8 milliards d’individus, ce mardi 15 novembre, selon le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA). Le chiffre atteindra environ 8,5 milliards en 2030 d’après les projections de l’ONU. Et vingt ans plus tard, c’est à dire en 2050, la population mondiale atteindra 9,7 milliards de personnes.

Ces perspectives démographiques montrent surtout que les pays d’Afrique subsaharienne devraient contribuer à plus de la moitié de l’augmentation prévue de la population mondiale 2050; même si statistiquement il devrait avoir une baisse de 1% voire plus de la population dans une soixantaine de pays entre 2020 et 2050 en raison, soutient l’ONU, « de niveaux de fécondité durablement bas et, dans certains cas, de taux d’émigration élevés ».

En somme la population en Afrique subsaharienne devrait doubler d’ici 2050 pour atteindre 2,1 milliards d’habitants. Et à la fin du 21e siècle, elle sera d’à peu près 3,8 milliards d’individus.

L’ONU pense d’ailleurs que plus de la moitié de ces augmentations prévues sera concentrée dans huit pays notamment la République démocratique du Congo, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Inde, le Nigéria, le Pakistan, les Philippines et la République-Unie de Tanzanie.

Un boom démographique vital
Mais ce boom démographique ne risque-t-il pas d’être un véritable handicap de plus pour l’Afrique subsaharienne dont les pays connaissent déjà un développement assez difficile ? Les experts s’accordent sur le fait que ce boom démographique est une arme à double tranchant.

D’après le démographe togolais Essey Senah Koupogbe, cette croissance démographique peut être très vitale pour l’ensemble du continent africain. Surtout avec une augmentation des mains valides qui constituent les premières ressources pour développement d’un pays.

« La proportion des enfants de moins de 15 ans continuera par baisser au profit de celle de la population potentiellement active (15-64 ans). Aussi, la part de la population âgée sera-t-elle de plus en plus importante », détaille-t-il

« C’est vital aussi parce que la population est un facteur important de production. La vitalité démographique en Afrique subsaharienne permettra l’émergence économique de nombreux pays. En plus du Nigeria qui est connu pour son poids démographique, l’Afrique compte plusieurs pays dont la population est au-delà de 100 millions d’habitants : l’Égypte, l’Éthiopie, la RDC. C’est un marché potentiel de consommateurs », note le démographe togolais.

Voilà pourquoi, soutient ce spécialiste du recensement et des enquêtes socio-démographiques à l’Institut national de la statistique et des études économiques et démographiques (INSEED Togo), « la connaissance de l’évolution future de la population est un élément essentiel à l’intégration des variables démographiques dans les cadres nationaux et régionaux de développement ».

En plus de cela, il faut noter, poursuit-il, « l’ouverture de la fenêtre d’opportunité du dividende démographique grâce à la baisse de la fécondité qui induit une modification de la structure par âge de la population ».

«Le dividende démographique est l’accélération de la croissance économique qui peut résulter de la modification de la structure par âge de la population, dont la proportion des enfants à charge diminue pendant que celle des adultes en âge de travailler augmente. C’est donc la part de bénéfice économique qu’un pays pourrait tirer de la modification de la structure par âge de sa population», explique Senah Koupogbe.

La contrainte de la croissance démographique
Mais prévient-il, le dividende démographique n’est pas «automatique». Il est indispensable de « créer les conditions de sa réalisation ». En quoi faisant ? « En investissant dans le capital humain (éducation, formation professionnelle, santé), la création d’emploi productif et la bonne gouvernance », explique-t-il.

« Il faut mettre en œuvre des politiques valorisantes de population. Sans ces préalables, la croissance démographique devient une charge. Pour maintenir le niveau des indicateurs de performances, tel que l’accès aux services sociaux de base par exemple, il faut prévoir une augmentation régulière et conséquente des budgets de ces services sociaux de base pour être au même niveau que la croissance démographique. C’est cela la contrainte de la croissance démographique », indique le démographe togolais. Auquel cas, de nombreux défis, tel que l’urbanisation non maîtrisée avec tous ces corolaires, deviennent difficile à relever.

Dr Latévi Senam Lawson-Hellu, sociologue togolais, spécialiste des questions du dividende démographique et développement durable en Afrique a la même lecture que son compatriote Koupogbé.

Contacté par l’Agence Anadolu, il affirme que « les Etats de l’Afrique subsaharienne devraient veiller à lutter efficacement contre la corruption, et investir plus dans le développement du capital humain », s’ils veulent tirer grand profit de ce boom démographique.

« Avec la corruption qu’il y a dans ces Pays, il y a très peu de chances d’économiser, d’épargner ou de mobiliser des moyens pour des projets et programmes au profit de la population en âge de travailler », note-t-il.

Lutter contre le chômage et le terrorisme
Le sociologue togolais prône une économie qui ne soit pas extravertie dans les pays de l’Afrique subsaharienne. « En Afrique subsaharienne, on importe plus qu’on exporte. Autrement dit, tout ce qui se fait aujourd’hui dans ces pays comme travail, c’est pour les autres. Pas pour enrichir leurs propres économies. Dans un autre sens, ces pays doivent développer des projets d’amélioration des systèmes de santé pour que d’ici là, les gens qui travaillent puissent se faire soigner convenablement », suggère Lawson-Hellu.

Il a mis enfin l’accent sur la lutte contre le chômage, déjà ambiant dans ces pays.

Avec le boom démographique qui se profile à l’horizon, si les gouvernants de ces pays ne prennent garde, en développant, soutient-il, des politiques de développement qui créent des emplois et luttent efficacement contre le chômage, cela peut se retourner en faveur de l’extrémisme violent et du terrorisme qui frappent déjà dans plusieurs pays du continent africain.

« Les groupes terroristes recrutent plus dans ces groupes cibles. Et puisqu’en Afrique, les inégalités augmentent proportionnellement à l’augmentation de population, on doit faire extrêmement attention pour ne pas créer des espaces favorables au terrorisme et à l’extrémisme violent. Car ces inégalités poussent à la révolte, et amènent une partie des jeunes frustrés à céder face aux promesses mirobolantes des groupes extrémistes et terroristes », a conclu Lawson-Hellu.

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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