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Avec son sommet pour un nouveau pacte financier mondial, Emmanuel Macron veut jouer l’intermédiaire entre le Nord et le Sud

Avec son sommet pour un nouveau pacte financier mondial, Emmanuel Macron veut jouer l’intermédiaire entre le Nord et le Sud

En accueillant un sommet qui ambitionne rien de moins que de réformer le système financier international, Emmanuel Macron endosse son costume diplomatique préféré: celui d’intermédiaire entre le Nord et le Sud, qui s’active tous azimuts pour réduire la « fracture du monde ». Avec des résultats mitigés.

« Je le sens: nous pouvons faire une énorme différence pour la planète et contre la pauvreté », a tweeté mercredi avec emphase le président français, à la veille de l’ouverture à Paris du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial qui, pendant deux jours, accueillera un quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement.

Le ballet d’entretiens a commencé dès mercredi à l’Elysée avec les présidents tchadien et gabonais ou le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres.

L’idée de ce forum informel avait été lancée en novembre.

C’est un fil rouge de la politique étrangère d’Emmanuel Macron, qui défend un « multilatéralisme efficace ». Il a multiplié les One Planet Summit, en marge des négociations formelles sur le climat et la biodiversité, mais aussi des événements annuels comme le Forum de Paris sur la paix, aux retombées souvent modestes.

« Vieille vision gaullienne »
De la même manière, en allant en Chine pour presser son homologue Xi Jinping d’user de son influence sur la Russie pour qu’elle cesse la guerre en Ukraine, en invitant au défilé du 14-Juillet le Premier ministre indien Narendra Modi avec des visées similaires, ou encore en facilitant la participation au sommet du G7 au Japon du président ukrainien Volodymyr Zelensky, Emmanuel Macron se veut toujours à l’initiative.

Bertrand Badie, professeur à Sciences-Po, y voit une « continuité avec la vieille vision gaullienne, cette volonté d’une France qui garde son rang dans le monde et qui a la prétention de tout pouvoir régler », sans forcément avoir les moyens de ses ambitions car elle « est devenue une puissance moyenne qui ne veut pas s’avouer comme telle ».

Mais ce spécialiste des relations internationales décèle aussi « une lucidité, qu’il faut lui reconnaître, de comprendre que la sortie des crises actuelles passe par un ciblage préférentiel des pays du Sud et en particulier des émergents ». La « bonne intuition » du président français est donc d’avoir « compris qu’il a une carte à jouer comme intermédiaire entre l’Occident et les émergents ».

Cette posture, il la pousse jusqu’à tenter d’être le premier dirigeant occidental invité, en août prochain, au sommet des Brics, ce groupe qui rassemble le Brésil, la Chine, l’Afrique du Sud, l’Inde mais aussi la Russie.

A la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre dernier, Emmanuel Macron avait théorisé la nécessité de « bâtir un nouveau contrat entre le Nord et le Sud », pour éviter « la fracture du monde » et relever les défis de l’époque, du conflit en Ukraine au changement climatique en passant par la lutte contre la pauvreté.

« Pragmatisme impatient »
Le sommet de Paris s’inscrit dans cette volonté d' »éviter la logique des blocs, d’une confrontation » entre l’Occident et le « Sud global », relève Célia Belin, du cercle de réflexion European Council on Foreign Relations.

Et là aussi, ajoute-t-elle, « l’intuition est bonne »: « il y un besoin et une demande énorme de ces pays » pour améliorer le système de financement international, car « le désespoir est très grand ».

Du coup, la France suscite un mélange d’attentes fortes et de scepticisme.

Emmanuel Macron a engrangé quelques résultats en termes de participation, avec le Brésilien Lula et le Premier ministre chinois Li Qiang. Il a aussi cosigné une tribune avec douze dirigeants, dont Joe Biden, qui s’engagent avec lui à « avancer sur des mesures concrètes » pour une « transition écologique juste et solidaire ».

Mais il y a aussi des absents notables, au premier rang desquels le président américain justement, ainsi que l’Indien Modi.

Surtout, faute de mandat formel des Nations unies, cette rencontre organisée « rapidement et un peu improvisée » risque aussi « d’être un sommet de plus », redoute Célia Belin.

C’est à ses yeux le corollaire de ce qu’elle appelle le « pragmatisme impatient » d’Emmanuel Macron, qui veut « que tout marche tout de suite », avec une méthode qui n’est pas toujours au rendez-vous d’ambitions louables.

« Le président français est pratiquement un des seuls Européens à tenter de jouer ce rôle », ajoute-t-elle. « Il a ce mérite-là. »

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