Au moins 20 personnes ont été tuées et près de 80 blessées dans la nuit de samedi à dimanche par l’explosion d’une citerne d’essence au Liban, où des résidents tentaient désespérément de s’approvisionner en carburant, en pénurie dans un pays en plein effondrement.
L’explosion, qui réveille le terrible souvenir de celle du port de Beyrouth le 4 août 2020 (plus de 200 morts), s’est produite dans la région du Akkar, dans l’extrême nord du pays, d’après la Croix-Rouge libanaise et les médias.
Elle intervient alors que l’armée libanaise s’était déployée samedi dans des stations-service, face aux pénuries de plus en plus aiguës en carburant, dans un pays englué dans l’une des pires crises économiques au monde depuis 1850, selon la Banque mondiale.
« Nos équipes ont évacué 20 cadavres (…) depuis le lieu de l’explosion (…) vers les hôpitaux de la région », a indiqué la Croix-Rouge sur Twitter, précisant que 79 personnes avaient aussi été blessées.
L’agence nationale d’information (ANI) a indiqué qu’une citerne confisquée par l’armée avait explosé après des heurts entre des résidents qui s’étaient attroupés pour se procurer de l’essence. L’armée n’était pas présente sur les lieux, a-t-elle ajouté.
« Massacre »
Les images circulant sur les réseaux sociaux montrent des scènes d’horreur. Au moins sept corps et des dizaines de personnes brûlées ont été transférés dans un hôpital du Akkar, a indiqué un employé, Yassine Metlej.
Mais « les cadavres sont tellement carbonisés qu’on ne peut pas les identifier », a-t-il dit à l’AFP. « Certains n’ont plus de visage, d’autres plus de bras ».
L’hôpital a dû refuser la plupart des blessés car il n’est pas équipé pour soigner les grands brûlés, a-t-il encore ajouté.
Certaines victimes ont été emmenées à 25 km de là, à l’hôpital Al-Salam de Tripoli, le seul de la région équipé pour prendre en charge des personnes grièvement brûlées.
L’ancien Premier ministre Saad Hariri a comparé l’explosion à celle qui a ravagé le port de Beyrouth il y a un an, tuant plus de 200 personnes et détruisant des pans entiers de la capitale.
« Le massacre du Akkar n’est pas différent du massacre du port », a-t-il écrit sur Twitter. « Si ce pays respectait son peuple, ses responsables démissionneraient, du président jusqu’à la toute dernière personne responsable de cette négligence », a-t-il ajouté.
Le président Michel Aoun a appelé la justice à ouvrir une enquête sur les circonstances ayant conduit à l’explosion –celle du port de Beyrouth n’a abouti à aucun résultat à ce jour–, tandis que le ministre intérimaire de la Santé, Hamad Hassan, a ordonné à tous les hôpitaux du pays « d’accueillir les blessés de cette douloureuse tragédie aux frais du ministère ».
Le Liban est aux prises à un effondrement économique depuis fin 2019, et connaît des pénuries en tous genre, notamment en carburants, qui affectent l’approvisionnement en biens de première nécessité.
Elle se double d’une crise politique ans fin: le gouvernement sortant a démissionné au lendemain de l’explosion du port de Beyrouth en août 2020 et les différentes forces politiques se sont montrées incapables à ce jour d’en former un nouveau, malgré les pressions internationales.
Samedi, le gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé avait refusé de revenir sur une récente décision de lever les subventions sur les carburants, qui fait craindre une flambée des prix.
Liban : Au moins 28 personnes sont mortes dans l’explosion d’une citerne d’essence durant une distribution de carburant dans le nord-ouest du Liban, rapporte la Croix-Rouge libanaise. pic.twitter.com/goFBVXyMJu
— Rebecca Rambar (@RebeccaRambar) August 15, 2021
« Désastre imminent »
« Je ne reviendrai pas sur (cette décision) (…) à moins que l’usage des réserves obligatoires (de devises) ne soit légalisé », a-t-il déclaré au micro d’une radio locale.
Les réserves de la BDL ont fondu tandis que la livre libanaise a perdu plus de 90% de sa valeur face au dollar, rendant les coûts d’importation plus onéreux. Le billet vert s’échange aujourd’hui sur le marché noir à plus de 20.000 livres, contre un taux officiel maintenu à 1.507 livres.
Plusieurs établissements ont dû fermer leurs portes, faute de diesel pour alimenter les générateurs privés, tandis que les pannes de courant culminent à plus de 22 heures par jour.
L’hôpital de l’Université américaine de Beyrouth (AUBMC), un des principaux hôpitaux privés du pays, a mis en garde samedi contre un « désastre imminent », se disant contraint de cesser ses activités dans les 48 heures s’il n’obtenait pas de carburant.
« Quarante malades adultes et 15 enfants, sous respirateurs, mourront immédiatement », s’est alarmé le AUBMC dans un communiqué.
« Cent quatre-vingt personnes souffrant d’insuffisance rénale mourront intoxiquées après quelques jours (…). Plusieurs centaines de malades de cancer, adultes et enfants, décèderont dans les semaines qui viennent. »
Carburant pris d’assaut
Des queues interminables se sont formées samedi devant des stations-service tandis que des camions de distribution de carburant étaient pris d’assaut par des citoyens en colère, selon des médias locaux.
Certaines stations-service ont fermé pour conserver du stock de carburant en attendant une hausse des prix.
Selon des correspondants de l’AFP, des soldats déployés en masse aux stations-essence ont imposé en début d’après-midi l’ouverture de plusieurs d’entre elles au nord de Beyrouth et ailleurs.
L’armée a dit avoir saisi plus de 78.000 litres d’essence stockés dans deux stations-service ainsi que 57.000 litres de diesel dans une troisième.
Elle a partagé des images sur les réseaux sociaux montrant des soldats remplissant eux-mêmes les réservoirs des véhicules.
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