A Beyrouth, Mikhail Hamati, 72 ans, sort épuisé d’une longue file d’attente pour trouver du pain, désespéré par les pénuries croissantes qui touchent même les aliments de base au Liban en plein effondrement économique.
« Il n’y a plus rien dans ce pays », se lamente-t-il en quittant la boulangerie où il était venu se ravitailler.
Le Liban traverse l’une des pires crises économiques au monde depuis 1850, selon la Banque mondiale, et connaît d’importantes pénuries de carburants qui affectent l’approvisionnement en biens de première nécessité.
De nombreuses enseignes ont fermé après que la Banque du Liban a annoncé mercredi ne plus être en mesure de subventionner le carburant, faisant craindre une énième hausse des prix pour alimenter les générateurs d’électricité privés nécessaires à la fabrication du pain, le courant étant coupé environ 20 heures par jour.
Et celles qui restent ouvertes doivent rationner leur production pour ne pas épuiser trop vite les réserves de farine subventionnée, créant des pénuries en rayons.
« Du diesel et de la farine »
Avant l’aube vendredi, une longue file d’attente s’est ainsi créée devant la boulangerie vers laquelle M. Hamati s’était dirigé.
« Je n’ai pu obtenir qu’un seul paquet », soupire-t-il, sueur sur le front.
« Que reste-t-il dans ce pays? On manque de tout », ajoute le septuagénaire. Toutes les épiceries qu’il fréquente habituellement ont « fermé leurs portes ».
« Il faut nous fournir du diesel et de la farine », réclame Jacques el-Khouri, le boulanger de 60 ans occupé depuis trois heures du matin à la préparation du pain, heure à laquelle les premiers clients sont arrivés pour faire la queue.
« Le stock de farine qu’on me fournit (pour un mois) suffit pour une semaine seulement », affirme-t-il.
Avec la crise, 78% de la population libanaise vit désormais sous le seuil de pauvreté d’après les Nations unies, tandis que la livre libanaise a perdu en moins de deux ans plus de 90% de sa valeur par rapport au dollar sur le marché noir.
Dirigeants « déconnectés »
« Les boulangeries sont incapables de s’approvisionner en diesel », estime Ali Ibrahim, le président du syndicat des boulangers. Selon lui, le dirigeants « sont complètement déconnectés ».
Les pénuries de carburants touchent le pays depuis le début de l’été, les importateurs accusant le gouvernement d’en être responsables en ayant retardé l’ouverture de lignes de crédits.
Les autorités accusent elles les distributeurs d’avoir retenu leurs stocks pour vendre le carburant plus cher sur le marché noir ou en Syrie voisine.
A Tripoli (nord), les boulangeries restées ouvertes peinent, comme dans la capitale libanaise, à faire face à la demande des habitants.
« Nous avons imposé un rationnement sur la distribution de pain aux magasins », explique à l’AFP un ouvrier d’une des plus importantes boulangeries de la ville.
« Nous fournissons moins de la moitié de la quantité que nous envoyions auparavant », résume-t-il.
A Saïda (sud), la pénurie est telle que les habitants se résignent au pain noir, des boulangeries ayant rationné le pain blanc à un paquet seulement par personne.
Les ménages au Liban dépensent désormais cinq fois le salaire minimum pour leurs seuls besoins alimentaires, selon un rapport publié en juillet par l’Observatoire de la crise de l’Université américaine de Beyrouth.
« Une fois le loyer payé, il ne nous reste plus rien », raconte à l’AFP Mohammad Abdel Kader, 62 ans, dans la pâtisserie beyrouthine où il travaille.
Ce père de cinq enfants dit ne plus pouvoir acheter de la viande, regardant « la boucherie de loin et continuant (son) chemin ».
Il a également envie de pastèques et de raisins mais ne peut même plus s’en procurer. « Hier, j’ai mangé du pain sec » avec des oignons et des tomates.
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