On s’attaque à la Cour de justice de la CEDEAO de façon épidermique sans avoir l’élégance de tenter tant soit peu de démonter les motifs de sa décision. La crédibilité d’une décision judiciaire s’apprécie à l’aune de la pertinence ou non de la motivation adoptée par les juges qui l’ont rendue.
D’emblée, il faut dire que ce n’est pas la première fois que la dite Cour se prononce sur la matière électorale concernant un pays de l’espace CEDEAO. Elle a, au demeurant, fait référence à travers les motifs de la décision au cas du Burkina Faso.
Le seul critère de compétence de la Cour demeure des violations de droits fondamentaux consacrés et garantis. Ces violations peuvent résulter d’actes de gouvernants, de décisions judiciaires ou de lois adoptées par un Pays donné.
S’agissant de la motivation en tant que telle par rapport à la décision dont s’agit, la Cour n’a dit rien qui n’ait été auparavant relevé à l’époque a titre d’objections par les experts avertis relativement aux incongruités de la loi instituant le parrainage au Sénégal et déférée finalement devant elle en ses conséquences en termes de violations de droits fondamentaux. Oui il faut bien le souligner afin d’élaguer tout amalgame savamment orchestré depuis hier.
La Cour ne s’est pas érigée en juge Constitutionnel supranational. Elle ne récuse pas en soi le principe du parrainage comme certains pourfendeurs le prétendent. Le parrainage est bien compatible avec l’efficience démocratique à condition cependant de ne comporter en ses modalités des sources de violations de droits fondamentaux ou d enfreindre des droits de candidats à une élection donnée.
Indubitablement la loi Sénégalaise sur le parrainage en édictant que le dépôt de candidature doit être accompagné d’une liste de parrains sous format électronique et papier… et qu’un électeur ne peut parrainer qu’un seul candidat parmi les différents candidats à l’élection, le tout sans garantir la confidentialité d’un tel choix, viole le secret du vote garanti par la Constitution Sénégalaise et fait peser sur les citoyens Sénégalais dont on peut à priori constater leur intention de vote de par ce parti pris en amont et présumer également raisonnablement de leur direction de vote le moment venu, des risques de représailles de nature à décourager l’exercice d’un droit ouvert.
Ce sont ces mêmes autorités sénégalaises qui se réjouissaient il y’a 5 ans de la décision de cette même CEDEAO pour remettre l’ordre constitutionnel en Gambie. 😥 😥 https://t.co/sYp0gF8s8H
— Idrissa Fall Cissé (@ifacis) May 1, 2021
En effet, tous les analystes reconnaîtront que le fait que la loi incriminée impose un choix public unique entre différents candidats constitue une expression publique d’une préférence en faveur d’un candidat donné au détriment d’autres postulants dans une compétition supposée égalitaire à ce stade.
Tous les analystes reconnaîtront également que beaucoup de Sénégalais notamment des hauts fonctionnaires, des hommes d’affaires s’abstiendront d’user d’un tel droit que leur confère la loi pour ne pas s’exposer à d’éventuelles représailles de la part du candidat au pouvoir dans un contexte africain où le fair-play politique voire l’acceptation du droit à la différence et à l’expression plurielle sont assimilables à un luxe.
De telles imperfections de la loi sur le parrainage violent naturellement le libre droit à la participation à un processus électoral et au droit de vote et d’être électeur sans compter comme indiqué plus haut l’intangibilité et le secret du vote.
Comme à l’accoutumée, on ignore royalement les alertes démocratiques internes en faisant l’option de rationalités stratégiques qui forcément induisent des résolutions des dysfonctionnements au couperet mais plus désolant par-dessus nos têtes au gré des opportunités de substitutions supra nationales au regard des défaillances internes. Charbonnier n’est plus roi ni maître chez lui…
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