Dakar-Echo

A son excellence Macky Sall : « La rançon d’un troisième mandat illégal, c’est la déchéance. » – Par Boubacar SADIO

A son excellence Macky Sall : « La rançon d’un troisième mandat illégal, c’est la déchéance. » – Par Boubacar SADIO

EXCELLENCE, excusez-moi mon impertinence, vos partisans diront mon insolence, à m’adresser à vous sans que rien m’y autorise. Seulement, compte tenu de la très grande estime que je porte à l’endroit de votre personne, j’ai estimé devoir vous manifester ma solidarité et mon soutien moral suite aux tout récents événements intervenus dans la république sœur de Guinée avec la chute, l’éviction, le déracinement de votre collègue Alpha Condé.

Partageant avec lui le même syndicat des Chefs d’Etat de l’Afrique de l’ouest, je mesure à sa juste valeur la profondeur de votre peine et de votre chagrin, l’ampleur de votre désarroi et, probablement, votre grande inquiétude. La marche du monde et les principes de vie sont régis par un système binaire à caractère universel ; c’est ainsi qu’il y a le bien et le mal, le bon et le mauvais, la joie et la tristesse, le bonheur et le malheur, la force et la faiblesse, la puissance et la déchéance, la vie et la mort etc…

EXCELLENCE, quelle triste et pitoyable image que celle qui montre l’ancien président Alpha Condé affalé dans un canapé décrépi, dans une tenue débraillée, le col de la chemise ouverte, une jambe pliée, les yeux hagards, l’air totalement hébété donnant la douloureuse impression de s’être retrouvé subitement en déréliction dans une nouvelle réalité. Entouré de jeunes militaires qui s’efforçaient de lui laisser un peu d’illusion sur un pouvoir relevant du passé, la scène pouvait laisser croire qu’il s’agissait de l’arrestation d’un parrain de la mafia surpris en train de siroter du vin ou du champagne, breuvages dont il serait un adepte.

Le Président Alpha Condé est réputé être un disciple de Bacchus qui levé trop souvent le coude ; ce qui l’amène à des écarts de comportements indignes d’un Chef d’Etat tels que le fait de danser pendant que se joue l’hymne national, de tirer la barbe d’un iman, de tituber pendant les meetings. Le président Alpha Condé ne s’est pas tu volontairement, refusant de répondre aux questions qui lui étaient posées. Il était en état de sidération totale parce qu’il lui est arrivé deux choses à la fois ; le ciel lui est tombé sur la tête et le sol s’est dérobé sous les pieds. Il ne pouvait qu’être paralysé, tétanisé et rester sans voix.

EXCELLENCE, votre « ami » le Président Alpha Condé, enivré par les délices du pouvoir et encouragé par les parasites et les écornifleurs qui gravitent dans la galaxie présidentielle, s’était vraiment cru sorti des cuisses de Jupiter et, assis à califourchon sur Sirius, il se croyait indispensable, irremplaçable, omnipotent, omniscient et éternel. Après avoir cristallisé l’espoir de tout un peuple en menant une opposition sans concession aux différents régimes, il a fini par montrer son vrai visage ; un impitoyable dictateur, un tyran sanguinaire qui a martyrisé son peuple, massacré sa jeunesse, tué des innocents dont des enfants, s’abreuvant de leur sang. Il a fait autant de mal sinon plus de mal que ses prédécesseurs.

Sous les oripeaux d’une démocratie dont il se voulait et se réclamait le chantre et le héraut, il s’est révélé un véritable et redoutable conspirateur qui a passé tout son temps à perpétrer des coups d’Etat constitutionnels au gré de ses humeurs, de ses objectifs politiques et de ses desseins malsains. Et, comme je n’ai eu de cesse de le dire, les coups d’Etat constitutionnels répétitifs aboutissent inéluctablement à des coups d’Etat militaires. Quand les civils jouent avec la démocratie en foulant au pied les principes républicains les plus élémentaires, les militaires s’amuseront avec les coups d’Etat en y mettant du sérieux.

EXCELLENCE, vous le savez bien, la Constitution est le texte fondamental qui résume, concentre et consacre les principes et les préceptes définis d’un commun accord par un peuple ; elle est la base du contrat social et détermine les règles du contrôle social. La Constitution encadre la marche e la république, de l’Etat et des institutions ; elle définit les grands principes qui doivent régir les rapports entre l’Etat et les citoyens, notamment les libertés individuelles et collectives.

Aussi, la Constitution prend-elle l’appellation de Charte fondamentale. Et, c’est ce caractère fondamental qui lui confère une véritable sacralité qui, en principe, doit la protéger et la mettre à l’abri de toute forme de manipulations malveillantes initiées uniquement pour des intérêts égoïstes et crypto personnels. Le Président Alpha Condé, à l’instar de beaucoup de ses pairs, s’est imprudemment et impudemment arrogé le droit de changer, de modifier ou de supprimer les dispositions de la constitution dont il avait fait une propriété personnelle et privée. Une constitution est faite pour être respectée scrupuleusement.

EXCELLENCE, comme on a du vous le rapporter, c’est dans une liesse indescriptible que les populations guinéennes ont accueilli la chute du Président Alpha Condé lui qui, la veille, drainait des foules immenses supposées acquises à sa cause. Les manifestations de joie des populations montraient à quel point les Guinéens souffraient sous le magistère incandescent du vieux tyran et combien ils se sentaient délivrés des fourches caudines et acérées d’une ploutocratie ringarde, cupide, avide et indifférente aux souffrances de ses compatriotes.

Comme de tradition la communauté internationale, qui à mon avis n’a aucune signification, a condamné le coup de force des militaires et réclamé le rétablissement d’un prétendu ordre institutionnel. C’est une condamnation à minima qui n’exprime pas le vrai sentiment d’a plupart des personnes qui accueillent les faits survenus comme un véritable soulagement. Point n’est besoin de s’attarder sur l’hypocrisie, la lâcheté et la fumisterie de l’UA et de la CEDEAO connues et réputées pour leur inefficacité légendaire et absence totale d’équité de l’application de leurs principes.

EXCELLENCE, comme tout le monde et en parfait accord avec mes principes, je déplore vivement ce qui s’est passé chez nos voisins guinéens ; ce n’est vraiment pas la meilleure manière d’accéder au pouvoir. Toutefois, je me garderai de condamner de manière péremptoire et sous une fausse indignation le Colonel Mamady DOUMBIA et ses hommes. Leur action a été murement réfléchie, bien planifiée et admirablement exécutée. Si l’on peut considérer leur action comme un mal, c’est un mal nécessaire à la place du pire. Pour les populations guinéennes, l’intervention des militaires est venue à point nommé pour mettre un terme à une situation intenable d’anarchie institutionnelle, de dérives ethniques, de précarité économique et d’injustice sociale.

Appréciant et ayant bien analysé la situation, les militaires en bons républicains ont décidé de sauver la République d’un chaos certain ; ils ont compris qu’au de la défense de la patrie et du territoire national, l’armée a pour mission fondamentale de veiller au bon fonctionnement de la République, de l’Etat et des institutions. S’y ajoute ses responsabilités dans la préservation de l’unité nationale et de la cohésion sociale. On peut leur reprocher et éventuellement condamner la voie choisie, mais il faut reconnaitre la noblesse de leurs intentions ; sont-ils pires que les tenants du régime déchus ?

EXCELLENCE, à écouter le Colonel Mamady Doumbia énumérer les griefs contre le régime d’Alpha Condé, on se croirait au Sénégal :
-violation et tripatouillage de la constitution ;
-patrimonialisation de l’Etat ;
-détournements des deniers publics ;
-impunité des auteurs de malversations ;
-gabegie dans la gestion des ressources publiques :
-instrumentalisation de la justice ;
-politisation à outrance de l’administration ;
-nominations et promotions sur des critères ethniques.

ET, c’est pour toutes ces raisons, entre autres, qu’ils ont pris la très lourde et historique décision de bouter Alpha Condé hors du palais pour asseoir les bases d’un nouveau départ et la mise en place des fondamentaux d’une renaissance démocratique, d’un véritable Etat de droit après une concertation citoyenne et populaire inclusive.

EXCELLENCE, ce qui est arrivé à Alpha Condé n’est que la résultante de son entêtement à vouloir exercer un troisième mandat auquel il n’avait pas droit, la constitution le lui interdisant, comme c’est votre cas avec notre constitution qui stipule clairement que « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». Il est resté sourd aux différents appels de proches, d’amis, d’anciens camarades de promotion, d’anciens compagnons de lutte qui, tous lui demandaient et même suppliaient de ne pas briguer un troisième mandat.

Il a fait usage de tous les artifices et astuces du « Njucc-Njacc » pour imposer une nouvelle constitution qui lui a permis, avec la complicité de juges corrompus, de se présenter à l’élection présidentielle qu’il a perdue mais qu’il confisquée en se déclarant vainqueur. Quel triste sort ! Le voilà entre quatre murs, regrettant amèrement de n’avoir pas écouté la voix de la sagesse et n’avoir pas emprunté la voie de l’honneur et de la dignité.

EXCELLENCE, il ne faudrait surtout pas que les populations guinéennes soient emportées et subjuguées par l’acte de délivrance des militaires au point de renier l’histoire récente de leur pays. Ces militaires, aujourd’hui, accueillis en sauveurs ont joué un rôle néfaste dans la l’oppression et la répression du peuple. Ils ont participé à des tueries de masse, à des massacres de citoyens innocents qui ne faisaient que réclamer leurs droits constitutionnels à manifester.

Dotés, au frais du contribuable, d’armes létales pour faire face à tout ennemi extérieur, les militaires ont retourné ces armes contre des populations abattues à bout portant dans le dos alors même que celles-ci fuyaient pour trouver refuge. C’est l’histoire qu’il ne faut pas occulter ; il faut avoir le courage de l’évoquer pour respecter la mémoire des disparus et permettre à leurs âmes martyrisées de reposer en paix. Le premier acte d’absolution ou de rédemption que les militaires auraient dû poser, et qui pourrait constituer les prémices d’une réconciliation nationale, c’est de demander pardon officiellement et solennellement au peuple pour toutes les souffrances endurées sous les différents régimes dictatoriaux qui ont géré le pays.

EXCELLENCE, en toute honnêteté je nous vous souhaite point le sort que vit en ce moment le Président Condé, c’est pourquoi je n’aurai jamais de cesse de vous demander de ne jamais tenter l’aventure d’une troisième candidature. De grâce ne prêtez aucune oreille attentive à ces gens de votre entourage qui vous incitent à violer la constitution mais à vous dédire, ils ne sont mus que par leurs propres intérêts. Je ne cesse de vous alerter, une déclaration de candidature de votre part pour un troisième va entrainer des morts, notamment au sein de la jeunesse ; cette troisième candidature set rejetée par la grande majorité des Sénégalais.

Comme je l’ai dit dans une de mes contributions, les plus farouches opposants à votre troisième candidature seront issus de votre actuelle coalition, Benno book Yaakaar. Il est bien vrai que les membres de nos forces de défense et de sécurité sont formés et formatés dans les valeurs et principes républicains et qu’ils n’ont pas les mêmes comportements que leurs homologues de la sous-région, mais il faut savoir que ce sont le contexte, les circonstances et les paramètres d’ambiance qui, souvent, déterminent les initiatives et les décisions. Le jour où quelqu’un, quel que soit son statut, voudra par stratégie politique, installer le chaos dans le pays, les forces de défense et de sécurité sauront faire et prendre leurs responsabilités. Il est toujours bon de rappeler que les forces de défense et de sécurité n’ont pas prêté un serment d’allégeance à un individu, fut-il le Président de la république, mais à la Constitution de la république.

EXCELLENCE, franchement votre comportement vis-à-vis de vos compatriotes laisse vraiment à désirer, vous semblez ne leur accorder aucune considération, aucun égard, alors que vous êtes leur serviteur voire leur esclave. C’est à peine si vous daignez vous adresser à eux pendant les moments difficiles ou ils attendent de vous non pas des solutions miracles mais l’expression d’une solidarité et la manifestation d’une forme de sympathie et d’empathie réconfortante.

Votre froideur est unanimement dénoncée par les Sénégalais, même au sein de vos partisans ; à cela s’ajoute une condescendance et une arrogance que rien, absolument rien ne justifie. Est-il normal que dans une république organisée les citoyens ne puissent pas savoir si leur Président doit ou non se présenter à la prochaine élection ? Est-il normal que l’application des dispositions claires, nettes et précises de la constitution soit tributaire de la seule volonté, des seuls désirs et des humeurs cyclothymiques du Président sortant ?

EXCELLENCE, pour votre propre gouverne n’écoutez pas et ne vous laissez pas endormir par les poncifs du genre, il n’y aura jamais de coup d’Etat au Sénégal ; aucun pays africain, aucun Président africain n’est à l’abri d’une mauvaise surprise. La seule recette efficace pour échapper à un coup d’Etat, c’est d’assurer et de garantir pleinement, sincèrement, honnêtement et sans « Nucc-Njacc » le jeu d’une véritable démocratie, toute autre démarche, toute autre option comporte les germes de sa propre destruction. Vous devez tirer tous les enseignements nécessaires en vous référant aux sorts de Ibrahima Boubacar Keita et d’Alpha Condé ; faites montre de plus de modestie et d’humilité, vos pouvoirs actuels sont éphémères, fugaces, d’une vanité et d’une vacuité inhérentes à votre statut de simple mortel. SEUL ALLAH EST PUISSANT.

EXCELLENCE, les Sénégalais ne vous demandent qu’une petite chose, largement à votre portée, mais, peut-être difficilement réalisable par rapport aux intentions qui vous sont prêtées de vouloir solliciter un troisième mandat auquel vous n’avez pas droit, c’est de tout simplement respecter votre parole. « La parole, c’est l’homme », apophtegme africains

Qu’Allah vous Fasse entendre la voix de la sagesse qui vous fera prendre la voie de l’honneur et de la dignité.

Boubacar SADIO – Commissaire divisionnaire de police de classe Exceptionnelle à la retraite.

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