Une enquête sur la corruption en Afrique, traitée différemment selon les étages, secoue la station publique. Et repose la douloureuse question des “ménages” de journalistes.
La confraternité, à Radio France internationale (RFI), on ne connaît que ça ! Une vedette de la station publique, Alain Foka, a mis à mal le travail d’enquête de Sonia Rolley, une consœur de la même antenne, sur la corruption en République démocratique du Congo (RDC). Depuis, ça swingue dans les couloirs !
Le sympathique coup de talon, narré par le site Arrêt sur images (23/12/21), a été donné il y a plus d’un mois, à la suite des révélations de l’enquête « Congo Hold Up », menée par un consortium de médias, sur un détournement de fonds de 43 millions de dollars attribué au clan de l’ex-président Joseph Kabila.
Le 25 novembre, RFI et sa journaliste, qui ont participé à l’enquête et l’ont diffusée, décrochent en prime l’interview, à Kinshasa, de Jules Alingete, le patron de l’Inspection générale des finances congolaise. Lequel salue haut et fort le boulot effectué par la radio française… Quatre jours plus tard, le 29 novembre, surprise : ce brave haut fonctionnaire rétropédale et déclare, face caméra, que tout cela n’était finalement qu’un tissu d’« insinuations qui n’ont pour objectif que de brûler le Congo ». Tous aux abris !
La farce est d’autant plus belle que la nouvelle interview a été réalisée par le collègue Alain Foka, qui n’a guère contredit son versatile inter- locuteur.
Mieux : le tout a été diffusé, en loucedé, sur une chaîne personnelle YouTube que Foka a été autorisé à créer il y a quelques années avec les couleurs de RFI. Une chaîne qui, outre des interviews hors-sol, se nourrit, à l’occasion, de quelques publicités…
Ces mauvaises manières journalistiques auraient pu passer pour un règlement de comptes de bureau. Mais, tandis que la direction de RFI évoquait sans rire « un manque de coordination » assorti d’« un défaut de communication », un nouvel élément a fini d’énerver les journalistes de la station.
Fructueuses reconversions
Alain Foka se trouve être aussi un habitué des « ménages » institutionnels en République démocratique du Congo. Le jour de l’interview de l’inspecteur des Finances du pays, par exemple, le confrère se trouvait à Kinshasa pour animer l’Africa Business Forum, un raout d’investisseurs préparé par le régime congolais et l’ONU. Il y avait été invité et défrayé par les organisateurs…
Et ce n’était pas la première fois que Foka pratiquait un ménage en RDC. Depuis deux ans, régulièrement, il propose ses talents pour les rencontres d’un cercle d’hommes d’affaires locaux, le réseau Makutano, en présence de hauts dignitaires du pays. RFI aurait du mal à l’en blâmer : au fil des ans, la radio publique internationale est devenue indulgente avec le mélange des genres pas toujours très déonto.
En 2018, le Conseil présidentiel pour l’Afrique – un machin politico-économique créé par Macron pour réfléchir sur l’avenir du continent – a célébré son premier anniversaire avec des tables rondes animées par deux voix de RFI, Claudy Siar et Juan Gomez.
Plus gratifiant encore, d’anciens journalistes maison ont opéré de belles reconversions : dircom chez Bolloré Africa Logistics, conseiller d’Ali Bongo (Gabon), « mediatrainer » au Quai d’Orsay, ambassadeur du Bénin au Brésil… et même ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso !
Des confrères bien « cadeautés », comme on dit là-bas…
Christophe Nobili
Laisser un commentaire