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À propos du conflit Russie-Ukraine

1- Ceux qui analysent le conflit sous l’angle de la personnalité de Poutine font fausse route. Il s’agit ici d’analyser les stratégies des États dans leur volonté d’assurer leur survie. L’Occident veut jouer sur l’image d’un Poutine autocrate, alors que si les dirigeants occidentaux sont sans doute moins dominateurs envers leur peuple que Poutine, ils n’en sont pas moins aussi froids et calculateurs face à leurs intérêts.

2- Ceux qui l’analysent sous le prisme du droit international sont aussi soit naïfs soit de mauvaise foi. Le droit international ne s’applique pas aux grandes puissances. C’est là d’ailleurs la principale raison du droit de veto. C’est d’offrir à certains États la possibilité de s’extraire du caractère impératif du droit international. L’OTAN est intervenue en Yougoslavie sans mandat de l’ONU et a poussé l’organisation à sortir après une résolution pour légitimer a posteriori l’intervention.

3- Ce qui se passe actuellement est ce qu’on appelle en théorie des RI (relations internationales) un « dilemme de sécurité ». L’inclusion de l’Ukraine dans l’OTAN signifie pour la Russie une vulnérabilité, notamment en réduisant son accès à la mer Noire. C’est pour cette même raison que Poutine avait d’ailleurs annexé la Crimée.

4- L’Occident, surtout l’OTAN a profité de la période Eltsine et des premières années de Poutine pour augmenter sa mainmise sur les anciens territoires de l’URSS, notamment les républiques baltes et les états satellites. Cette stratégie participait d’une maximisation de la puissance, au lieu de s’arrêter à une maximisation de la sécurité. Les spécialistes des RI divergent sur où les États doivent s’arrêter face à leur volonté d’équilibrer la puissance face à des États ennemis.

D’aucuns, tenant du réalisme défensif, disent qu’il faut maximiser la sécurité, c’est-à-dire agir de telle sorte que l’État ennemi ne pense pas porter atteinte à votre sécurité. L’OTAN l’avait réussie, sans même l’inclusion de l’Ukraine. D’autres, tenants d’un réalisme offensif, pensent qu’il faut maximiser, non pas la sécurité, mais la puissance, c’est-à-dire accumuler la puissance ( aussi bien sur le plan matériel que stratégique) jusqu’à affaiblir l’autre État. La stratégie d’inclure l’Ukraine dans le bloc occidental et dans l’OTAN est une stratégie de maximisation de la puissance que la Russie ne peut pas accepter.

5- Les deux camps se sont affrontés indirectement en essayant de dérouler une stratégie de « regime change », c’est-à-dire en appuyant leurs alliés locaux pour qu’ils aient le pouvoir. Poutine a même empoisonné le président qui ne lui était pas favorable, mais la Révolution orange appuyée par l’Occident a pu mettre en place un régime pro-occidental.

6- Cet affrontement par pays interposés a beaucoup marqué l’ordre international ces dernières années et nous a installés dans ce que j’appelle une « paix chaude », c’est-à-dire une paix sous laquelle bouillonnent des antagonismes que l’on essaie de régler par des conflits par procuration. La Syrie est l’exemple parfait, et même le Mali se dirigeait vers cette direction.

7- C’est donc dire que pour avoir la paix, celui qui a le moindre coût à payer doit faire le plus de concessions. Le camp occidental a moins de coûts à payer que la Russie dans le cas d’une perte de l’Ukraine. Cependant, il faut s’assurer aussi que les États d’Europe de l’Est ne feront pas l’objet des appétits russes.

8- il faut donc se doter d’un cadre de gouvernance de cette « paix chaude » comme l’acte d’Helsinki l’a été pour la guerre froide, car il avait permis de délimiter l’espace d’influence de chaque bloc. Il faut un accord qui garantit la neutralité de l’Ukraine, fige les frontières de l’OTAN et annihile toute volonté d’expansion russe.

9- Si le conflit se prolonge, je ne pense pas qu’il revêtira un caractère nucléaire. Il risque de nous placer dans une nouvelle Syrie avec un affrontement entre les pro-occidentaux qui auront un appui matériel, mais jamais une intervention directe de l’OTAN et les souverainistes prorusses appuyés par une Russie présente dans le pays.

10- Sur le plan économique, les sanctions auront pour effet de créer deux systèmes internationaux : un sous le contrôle de la Chine à laquelle la Russie aura recours pour accéder au commerce international. Ainsi Pékin verra dans ce conflit un facteur habilitant pour jouer un rôle de premier plan dans la gouvernance économique mondiale. Elle avait déjà commencé déjà à poser des piliers dans ce sens avec sa banque de développement, ses arrangements monétaires pour un yuan qui supplante le dollar partout où c’est possible.

D’autre part, il y aura le système international qui se rattache au monde occidental. Entre les deux, certains États, du fait de l’avantage stratégique dont ils disposent, joueront les intermédiaires et y gagneront beaucoup. Mais globalement, une poursuite des sanctions économiques sera favorable à la Chine qui en profitera pour accroître son poids sur la gouvernance économique internationale.

Analyste 

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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