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2020: la mauvaise année – Par Fadel DIA

Pour la première fois dans l’histoire, un mal, le même et au même moment, s’est répandu sur les cinq continents, sur les six continents devrais-je dire puisque des cas de Covid19 ont été détectés sur la froide Antarctique. Face à cette pandémie, nous n’avions jusque-là que des armes de bon sens, si dérisoires (des masques, du savon, etc.) que beaucoup doutent encore de sa réalité.

Pour la première fois, l’hypothèse d’une extinction de l’espèce humaine n’est plus un sujet de science-fiction. Nous avons, à notre corps défendant, appris la vulnérabilité de notre existence sur terre, même s’il reste encore un homme, le président de la première puissance mondiale, qui ne réalise pas que nous vivons une époque pathétique et qui joue avec la vie de ses concitoyens.

Pour le reste du monde en tout cas, l’année 2020, d’ores et déjà consacrée l’année la plus chaude de l’Histoire, est aussi la pire année de l’Humanité. Malgré le branlebas qu’elle a provoqué partout dans le monde, malgré les moyens considérables mis en place pour l’éradiquer, malgré les signes d’espoir que suscite la découverte de plusieurs vaccins, la Covid est toujours là (sauf peut-être dans le pays d’où elle était partie), sans qu’on ne puisse déterminer la fin de sa propagation. Mais le malheur est un maître d’école inégalable et nous pouvons, au moins, tirer des leçons de la douloureuse expérience que nous sommes en train de vivre.

C’est ainsi que nous avons appris, si nous en doutions, que la recherche médicale est une recherche orientée et qu’elle obéit d’abord aux intérêts de ceux qui la financent. Jamais dans l’histoire on n’avait réussi en à peine plus d’un semestre à franchir toutes les étapes qu’imposent la recherche, l’expérimentation et la mise en circulation (gratuitement !) d’un vaccin contre une pandémie qui a la particularité de n’épargner aucun pays, aucune couleur de peau, aucune catégorie d’âge ou de société.

On parle en Europe d’une deuxième ou troisième vague de Covid19, mais on oublie que l’Est de la RDC vit sa onzième vague d’Ebola, ou qu’il n’y a toujours pas de vaccin contre le paludisme qui affecte pourtant, chaque année, plus de 200 millions de personnes dans le monde (dont 90% en Afrique) et en tue 500 000. C’est que Ebola et paludisme sont des maladies « exotiques » qui ne mettent pas en péril la vie des plus nantis, et que si, tout comme le Sida, la Covid a mis en branle les grands laboratoires du monde, c’est qu’elle menace les économies et la survie même des pays les plus riches … Nous avons aussi appris ce que signifie le sauve-qui-peut et que charité bien ordonnée commence par soi-même.

Les grandes nations du monde ont très vite jeté aux oubliettes leurs beaux discours sur la solidarité humaine et réfréné leur compassion à l’endroit des plus démunis pour lancer une OPA sur les futurs vaccins. Celui qui paye dicte sa loi, les grandes nations ont sorti les carnets de chèques et Donald Trump, qui a moins de scrupules que ses collègues européens mais qui est aussi sans doute moins hypocrite, a très vite affirmé que son pays serait le premier servi et que les plus pauvres devraient se contenter des restes. L’accaparement des vaccins mis au point par les grands laboratoires internationaux, alors même qu’ils n’étaient pas encore disponibles sur le marché, le marchandage et le secret qui a entouré les prix auxquels ils ont été acquis, n’ont pas grandi les pays du Nord.

Aujourd’hui encore, nul ne sait si les Etats-Unis ou l’Union Européenne ont bénéficié de prix de faveur et si le vaccin, que l’OMS a déclaré patrimoine public, sera accessible à tout le monde. La guerre du vaccin est aussi politique comme le montre cet ostracisme, qui ressemble fort à un mépris culturel, que les Américains et Européens manifestent à l’endroit des progrès accomplis par la Chine, seul pays qui donne l’impression d’avoir vaincu la Covid, et l’acharnement du président américain à donner au virus la nationalité chinoise.

Quoi qu’il en soit, le résultat est là : après la Chine, les pays du Nord ont bouclé leurs commandes, élaboré leurs plans de vaccination, acquis les moyens de transport et de stockage, défini les cibles et démarré leurs campagnes de vaccination alors que dans la plupart des pays africains on se contente de vagues promesses. On peut dire que notre chance, inexplicable sauf à évoquer la grâce divine, c’est que, l’Afrique du Sud exceptée, la Covid a préféré porter ses dards les plus venimeux hors de notre continent. Mais l’enseignement le plus original que cette année infernale a livré au monde entier, c’est sans doute la remise en cause, de manière fondamentale et sans doute durable, de la hiérarchie sociale des métiers et des fonctions. Des métiers jusque-là peu ou mal considérés, exercés souvent par des personnes jugées peu qualifiées et quelquefois prioritairement par des femmes, sont devenus soudain indispensables, très utiles et plus visibles.
Agents de santé, agriculteurs, caissières, éboueurs, vigiles …, ne sont pas des métiers qu’on peut exercer en télétravail mais se sont révélés bien plus nécessaires pour la survie de la société que d’autres considérés plus prestigieux et qui rapportent beaucoup de profits à quelques privilégiés. Il y a peut-être des métiers qui vont perdre de leur aura ou qui vont carrément disparaître et qui ne survivront pas à la Covid …

Tous ces bouleversements nous invitent non seulement à compter d’abord sur nous-mêmes, y compris en matière de recherche, pour que nos malades soient soignés par nos chercheurs, mais aussi à nous fixer de nouvelles priorités quant à l’utilisation de nos ressources. Plus que jamais la santé et l’éducation (car c’est elle qui fabrique les chercheurs) doivent l’emporter sur les éléphants blancs et plus que jamais les intérêts des peuples doivent passer avant ceux de quelques ogres insatiables.

Nous ne terminerons pas cet exposé sans un petit mot de consolation, même s’il reste dérisoire face à l’enjeu, même si c’est trop chèrement payé : l’année 2020 aura été une mauvaise année certes, mais est aussi l’année qui a permis au monde de se débarrasser d’un homme qui avait contribué à sa désorganisation. Sans la Covid et surtout sans les erreurs de jugement de Donald Trump, les élections présidentielles américaines auraient sans doute eu une autre issue..

Fadel DIA

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